Le Parti socialiste doit entériner, mardi 30 avril, le texte qui servira de feuille de route lors de sa convention sur la politique européenne, le 16 juin. Le document, notamment préparé par Jean-Christophe Cambadélis, vice-président du Parti socialiste européen, critique l’Europe de droite et a suscité le débat sur la politique de l’Allemagne. Mais il ne satisfait pas Emmanuel Maurel, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France et issu de l’aile gauche du PS, qui va présenter sa propre résolution.
Pourquoi proposez-vous un texte qui vient concurrencer celui de la direction du parti ?
Nous avons la volonté de pointer un certain nombre de désaccords sur la politique européenne et nous voulons qu’ils soient arbitrés par les militants. Je me réjouis des évolutions récentes au PS, qui font qu’aujourd’hui tout le monde a pris conscience de la nécessité de construire un rapport de force en Europe et de contester les politiques d’austérité. Le président de la République nous avait d’ailleurs invités à élaborer une tension amicale avec la droite allemande. Mais, malgré ces progrès, il reste des divergences entre nous.
Sur quels points n’êtes-vous pas d’accord avec le courant majoritaire du parti ?
Nous voulons que quatre propositions figurent dans notre résolution. Dans une période de quasi-récession comme la nôtre, il faut suspendre le pacte de stabilité budgétaire. Les résultats au niveau européen ne produisent pas les effets escomptés, et au contraire le chômage de masse augmente. Deuxième point, le budget communautaire est en baisse. Il ajoute de l’austérité au niveau communautaire, là où il y en a déjà au niveau des Etats membres. Nous demandons que le PS prenne une vraie initiative afin que ce budget en peau de chagrin ne soit pas accepté.
Nous voulons également que soit refusé le traité transatlantique actuellement en négociation. L’Europe est un peu l’idiot du village planétaire, le seul continent à ne pas protéger ses industries, au moment où tout le monde le fait. Enfin, il faut une politique monétaire plus souple par rapport à un euro largement surévalué. Il faut mettre fin à la politique de l’euro cher qui nous défavorise.
La mise en place de cette stratégie passe par un rapport de force. Nous voulons que les militants se prononcent là-dessus pour être sûrs que le PS nous entende.
Une première version du document préparé au PS voyait Angela Merkel en “chancelière de l’austérité” et critiquait son “intransigeance égoïste”. Auriez-vous pu signer ce texte ?
Il faut arrêter d’être hypocrite. Nous devons mettre en place une stratégie de confrontation au niveau européen avec la droite et les conservateurs, qu’ils soient anglais, allemands ou polonais. Les formules n’étaient pas forcément adroites, mais il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : Mme Merkel est aujourd’hui la chef de la droite européenne, ou en tout cas un de ses principaux dirigeants. Les attaques ad hominem n’ont aucun intérêt, en revanche, ce qui compte, c’est la volonté du rapport de force politique.
On essaie de faire passer pour un affront diplomatique ce qui n’est qu’une évidence politique. A savoir que la gauche s’oppose à la droite. C’est quand même fou qu’on arrive à en faire un drame. Dans une démocratie, il y a plusieurs camps en présence. Dans le respect des personnes, une confrontation démocratique s’exerce. Personne ne remet en cause l’amitié entre les peuples. Mais l’amitié franco-allemande ne doit pas empêcher de mener le débat sur l’austérité. Le vrai débat aujourd’hui en Europe, c’est : austérité, stop ou encore ?
Les appels à ne pas stigmatiser Mme Merkel sont venus aussi des rangs du Parti socialiste…
Il y a un peu de surjeu du côté de la droite française, qui pousse des cris d’orfraie, et un surjeu aussi dans nos rangs. Ce n’était pas très opportun que le ministre de l’intérieur critique le président de l’Assemblée nationale. Tout ça brouille le message. Le PS joue son rôle de force politique majeure qui fait des propositions et s’engage. Il faut que chacun reste à sa place.
Vous parlez de confrontation avec la droite européenne. Sous quelle forme ?
Il est temps de se remettre autour de la table pour renégocier le rythme de réduction des déficits publics imposé par la Commission, pour réinterroger le dogme des 3 %, qui n’a aucune valeur économique, et pour tenir compte du cycle économique qui n’est pas bon. La croissance est atone, le chômage explose au niveau européen, la priorité, c’est l’emploi. Le calendrier de la réduction des déficits publics n’est pas la priorité.
Vous n’êtes pas les seuls à dénoncer l’austérité en Europe. Jean-Luc Mélenchon appelle à manifester le 5 mai contre la rigueur. Pourquoi ne pas vous joindre à lui ?
Aujourd’hui à gauche, il y a de plus en plus de militants et de responsables qui sont partisans d’une inflexion de la politique économique. Mais la manifestation du 5 mai a un caractère différent. Le mot d’ordre initial, lancé par Jean-Luc Mélenchon, évoquait un “coup de balai” pour stigmatiser les dirigeants socialistes qui ne feraient pas leur travail. Je m’inscris en faux par rapport à ça. Je suis fier des socialistes et de mes camarades au gouvernement qui essayent de transformer le pays. Ca n’empêche pas qu’on ait des débats ou des divergences.
Le problème n’est pas de mettre un coup de balai, mais plutôt de changer de braquet, de mettre un coup de barre à gauche. La manifestation de dimanche n’est pas constructive pour la gauche. Elle porte des slogans de défiance, de dénigrement. Face à une droite qui se radicalise, face à une extrême droite qui est très puissante, on ne peut pas laisser s’instaurer l’idée de deux gauches dans le pays. Il faut être unitaire.
Retrouvez aussi cet article sur le site du journal Le Monde