Le dossier le plus important sur lequel je suis actuellement impliqué et dont je suis rapporteur pour mon groupe parlementaire de la Gauche Européenne, est le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, que le public connaît sous l’expression « taxe carbone aux frontières ».
Il y a un an, nous votions, au Parlement européen, l’état d’urgence climatique et environnementale. Dans cette mobilisation pour le climat, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devait être la réponse à l’urgence climatique et au dumping environnemental.
Les conservateurs et libéraux ont préféré détricoter toute ambition et continuer avec un marché carbone défaillant.
Dans les années 2000, à la suite du Protocole de Kyoto de 1997 – et surtout des prévisions sans cesse plus pessimistes sur l’intensité et la vitesse du réchauffement climatique, la France avait instauré une « taxe carbone européenne » sur les produits importés, qui sont fabriqués dans des conditions incompatibles avec les engagements sur la baisse des émissions de CO2.
Les États-Unis par exemple, se sont longtemps tenus éloignés des politiques environnementales. Cette défiance avait atteint son paroxysme avec le retrait des USA de l’Accord de Paris, décidé par TRUMP.
Mais durant ces deux dernières décennies, c’est surtout le commerce avec la Chine qui a littéralement explosé, +400%.
Or la Chine nous inflige une concurrence doublement déloyale : en payant mal ses salariés (voire en réduisant des populations entières en quasi esclavage, comme on le voit avec les Ouïghours), mais aussi en utilisant massivement les énergies fossiles pour produire l’électricité destinée à ses usines. Les capacités électriques en centrales au charbon de la Chine sont gigantesques ; et elle en construit toujours de nouvelles.
Grâce à ces énergies fossiles et au laxisme environnemental, les entreprises installées hors d’Europe réduisent donc fortement leurs coûts de production.
Pendant ce temps-là, l’Europe met en place des systèmes visant à réduire le contenu en carbone des produits fabriqués sur son sol. Depuis une dizaine d’années, elle a instauré un mécanisme de fixation du prix de la tonne de carbone, que les entreprises européennes les plus émettrices de CO2 doivent acheter pour avoir le droit de produire. C’est ce qu’on appelle le Système d’Échange d’Émissions. Ce système crée un « marché européen du carbone », qui est censé inciter nos entreprises à trouver des solutions pour que leurs usines émettent moins de CO2.
Au fur et à mesure, le système est de plus en plus sévère. Il renchérit le prix de la tonne de carbone ; et il accorde de moins en moins d’exemptions aux entreprises, ce qu’on appelle les « quotas d’émissions gratuites », que l’Europe a été obligée d’instaurer pour que l’impact sur les coûts de production ne soit pas trop violent.
Mais pendant que les entreprises européennes paient plus pour « produire propre », les entreprises installées hors d’Europe, aux États-Unis, en Chine, ect, ne sont pas soumises à ces coûts. On appelle ça « la fuite de carbone » : une concurrence de plus en plus déloyale, qui se fait non seulement sur le dos des travailleurs, mais aussi sur celui de la planète !
Il faut donc impérativement corriger ce déséquilibre, d’où la « taxe carbone aux frontières ».
Cela procure un double avantage : inciter les entreprises européennes à acheter de l’acier européen, moins polluant et de meilleure qualité ; et aussi obliger les Chinois dans notre exemple, à moins polluer eux-mêmes s’ils veulent continuer de commercer avec nous. L’ajustement carbone sera donc bon pour le climat et bon pour nos entreprises.
De plus, l’argent récupéré peut être utilisé pour investir dans nos usines, afin qu’elles développent des procédés de fabrication encore plus vertueux pour l’environnement, et plus compétitifs.
D’après les premières études, l’ajustement carbone pourrait rapporter entre 5 et 14 milliards d’euros par an à l’Union européenne, soit du simple au triple. Cela dépend des modalités.
Pour être vraiment efficace, l’ajustement carbone doit satisfaire 3 critères :
Il faut s’assurer d’un taux d’ajustement carbone suffisamment incitatif.
Il serait en effet désastreux d’avoir un ajustement carbone au rabais, qui ne s’opposerait pas assez à cette concurrence déloyale, écologiquement criminelle. Certains s’agitent et font pression pour que l’ajustement carbone soit le plus bas possible, par exemple le secteur de l’import-export, qui fait ses profits sur les bas prix des importations asiatiques, mais aussi certaines industries qui achètent des composants produits hors d’Europe, avant de les assembler sur le sol européen.
Il faut que nous sortions des cadres classiques du commerce mondial. Certes l’Europe, est membre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Mais l’extension à l’infini du libre-échange et la suppression de toutes les protections douanières, qui sont la raison d’être de l’OMC, ne nous permettent pas de sauvegarder la nature, la biodiversité, la qualité de l’air, le climat.
Au Parlement européen et à la Commission, certains ont peur et disent : « si on fait cet ajustement carbone, il doit impérativement être conforme à l’OMC. Comme ça nos concurrents ne pourront pas porter plainte contre l’Europe ». Mais si les modalités de l’ajustement carbone devaient vraiment « être conformes à l’OMC », nous n’aurions au final qu’un ajustement au rabais, qui ne rapporterait même pas les 5 milliards de la fourchette basse et qui n’aurait aucun effet concret sur le climat.
L’OMC devra radicalement changer ses règles afin de les adapter à l’Accord de Paris, faute de quoi il n’y a aucune raison de les respecter à la lettre, comme le fait obstinément l’Union Européenne, (contrairement d’ailleurs à la Chine ou aux États-Unis).
De même, l’ajustement carbone, doit permettre une suppression progressive des allocations gratuites. En effet, il faut garantir la compétitivité des industries européennes, mais aussi veiller à garantir la cohérence de nos dispositifs contre le réchauffement climatique.
Pour ce faire, je suis favorable à l’inclusion du secteur de l’électricité dans le mécanisme, notamment dans les cas spécifiques d’importation d’électricité à haute teneur en carbone. Là encore nous devons faire face aux politiques agressives de recours aux énergies fossiles de la Chine (charbon) et des États-Unis (gaz de schiste).
Enfin je souhaite allouer des financements supplémentaires aux entreprises dans leur effort d’innovation responsable, ce qu’on appelle les « technologies de rupture », qui permettront de produire sans nuire au climat. L’objectif c’est bien de ramener en Europe les chaînes d’approvisionnement, les pièces détachées, les composants. Avec un bon ajustement carbone, les entreprises européennes seront incitées à les relocaliser.
Voilà sous quelles conditions je croirai en ce mécanisme d’ajustement carbone. S’il est bien conçu, s’il est bien pensé la lutte contre le réchauffement climatique sera plus efficace, l’emploi industriel sera mieux protégé, et la souveraineté de l’Europe s’en trouvera renforcée. La Commission doit présenter son projet d’ajustement carbone au plus tard au second trimestre de l’année prochaine. Et entretemps nous travaillons sur le dossier, avec une bataille très âpre en coulisse. L’enjeu, c’est l’environnement, l’emploi, l’industrie européenne, rien de moins. J’espère que la gauche saura faire bloc au Parlement européen pour empêcher les libéraux de vider l’ajustement carbone de sa substance. J’espère aussi que la société civile et les défenseurs de l’environnement se mobiliseront ; et nous aideront à l’emporter.
énergie produite par la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Ces combustibles sont riches en carbone.
en abréviation anglaise l’ETS, « Emissions Trading System ». Depuis une dizaine d’années, l’Union européenne a instauré un mécanisme de fixation du prix de la tonne de carbone, que les entreprises européennes doivent acheter pour avoir le droit de produire. Ce système crée un « marché européen du carbone », qui est censé inciter nos entreprises à trouver des solutions pour que leurs usines émettent moins de CO2.
Quand un État adopte des normes environnementales moins rigoureuses que d’autres pour attirer des firmes multinationales sur ses terres.
innovation technologique qui sera fondamentalement différentes de ce qui se fait sur le marché. L’objectif est qu’elle finisse par remplacer la technologie dominante
L’approche consiste à allouer des quotas gratuits aux secteurs industriels considérés comme exposés au risque de fuite de carbone. Les secteurs industriels soumis à la concurrence d’entreprises non européennes qui ne sont-elles pas soumises à une législation sur le climat recevront des quotas à titre gratuit.
Le maintien de l’allocation de quotas à titre gratuit limite les coûts pour l’industrie de l’UE par rapport aux concurrents non européens.
Cela peut désigner une situation dans laquelle une entreprise, pour échapper aux coûts liés aux politiques climatiques, déplace sa production dans un autre pays appliquant des règles moins strictes.
L’autre vision de l’expression désigne l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans les pays sans politique climatique entraînée par les politiques de réduction opérées dans d’autres pays proactifs.
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.