Si les députés européens l’adoptent mercredi 15 février, le CETA, traité de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne, pourrait s’appliquer dès le 1er mars. Plusieurs eurodéputés, dont les candidats à la présidentielle Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, forment un front commun contre le texte.
C’est un point commun de plus entre Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon : ils sont tous les deux candidats à l’élection présidentielle, eurodéputés, et… opposés au CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), le projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
Le texte est soumis demain mercredi 15 février au vote du Parlement européen, à Strasbourg. S’il est adopté, il sera mis en application de façon provisoire dès le 1er mars. Les associations de la campagne Stop CETA ont donc réuni, lundi 13 février, huit eurodéputés qui voteront contre cet accord.
La photo de famille de la gauche européenne est complète : Jean-Luc Mélenchon, Marie-Christine Vergiat et Patrick le Hyaric représentent le groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne. Yannick Jadot, Karima Delli et Michèle Rivasi sont là pour le groupe des Verts au Parlement européen. Isabelle Thomas et Emmanuel Maurel font eux parti du groupe des Sociaux démocrates.
« Le CETA va détruire des emplois »
Si ce traité est dans le viseur de ces élus, c’est d’abord parce que « ces accords de libre-échange ne servent que les intérêts des multinationales », explique Marie-Christine Vergiat. Jean-Luc Mélenchon dénonce une « négation de la démocratie, car les entreprises pourront ester en justice contre les États. » « Ils pourront être attaqués dès qu’ils voudront prendre des mesures de protection de l’environnement, sociales, des services publics, etc », complète Yannick Jadot.
Pour eux, l’argument du bénéfice économique ne tient pas. « Je fais partie de la commission emploi du Parlement européen, c’est la seule qui a rejeté ce traité, rappelle Karima Delli. Une étude européenne a donné un chiffre clé : le CETA va détruire 300.000 emplois en Europe, dont 45.000 en France. » « La semaine dernière deux études réalisées par les fédérations professionnelles agricoles ont montré les dégâts que causerait ce traité sur nos élevages et territoires », poursuit Patrick le Hyaric (PC). Emmanuel Maurel (PS) renchérit : « Les scénarios les plus optimistes de la commission européenne montrent un gain de croissance de seulement 0,02 %. »
Des arguments qu’ils martèlent depuis longtemps auprès de leurs collègues au Parlement européen. « Dans notre groupe, en un an on est passés de 20 % à presque 50 % de députés socialistes opposés au CETA », se félicite Isabelle Thomas (PS). Mais ce ne sera pas suffisant : la majorité est à droite. Le traité devrait donc être adopté sans difficulté.
Certains gouvernements hostiles au CETA
Pour autant, la campagne Stop CETA ne compte pas s’arrêter là. Le texte doit ensuite être adopté par les parlements nationaux des pays membres de l’Union européenne. Et cela risque de prendre du temps. « On sait que certains parlements et gouvernements sont assez hostiles au CETA, comme l’Autriche, la Wallonie, ou la Slovénie », explique Amélie Canonne, présidente de l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec) et membre du collectif d’opposition au traité transatlantique.
Certains pays pourraient donc renoncer à présenter le CETA à leur parlement s’ils ne sont pas certains qu’il sera adopté, en attendant une majorité plus favorable. Cela n’empêcherait pas l’entrée en vigueur du texte. « On a déjà la situation avec le traité conclu entre l’Union européenne et le Pérou et la Colombie : certains parlements ne l’ont toujours pas ratifié cinq ans après », observe Amélie Canonne.
Et si un Parlement national votait contre ? « Cette situation n’a pas été juridiquement définie », explique l’experte. En clair, elle n’a pas été envisagée par le traité. Une bataille juridique pourrait donc s’engager. « Pour la Commission européenne, tout ce qui relève des compétences européennes, c’est à dire 90 % du traité, s’appliquerait tout de même dans le pays. Nous cherchons donc des arguments juridiques pour aller contre cela », poursuit-elle.
C’est d’ailleurs ce qui va se passer pour l’ensemble des pays de l’Union européenne à partir du 1er mars. En attendant les ratifications des assemblées nationales, le CETA sera appliqué de façon partielle et provisoire. « Un comité conjoint entre l’Union européenne et le Canada devrait se mettre en place pour discuter des aspects réglementaires, et on pourrait bientôt voir arriver de nouveaux produits agricoles canadiens en Europe », décrit Amélie Canonne.