L’ampleur et la gravité sont aussi massives que le silence qui l’entoure dans le débat public : la fraude généralisée dans le commerce électronique.
L’explosion de ce dernier au cours de la décennie écoulée, encore accrue par la pandémie, s’est accompagnée d’une opacité des transactions, d’infractions aux règles de sécurité et de sûreté des produits, d’un contournement des impôts et d’une expansion sans précédent de la production et de la contrebande de produits contrefaits.
Les chiffres que vous allez découvrir sont vertigineux. Leur recension et leur analyse dans cette étude jettent la lumière sur un commerce électronique devenu une jungle. Une jungle lucrative pour ses profiteurs, délétère pour ses consommateurs, mortifère pour des milliers d’entreprises et d’emplois détruits par cette concurrence déloyale et sauvage, contre laquelle les moyens légaux, humains et financiers manquent terriblement.
Christine RIEFA, spécialisée dans le droit de la consommation, du commerce électronique et des nouvelles technologies fait œuvre de pédagogie et d’exhaustivité pour en cerner les mécanismes, en tirer les enseignements et surtout proposer les solutions à mêmes d’endiguer et de réduire ce fléau.
Je la remercie infiniment pour ce travail, dont la précision et le sérieux nous serons précieux, pour changer la donne et légiférer dans le bon sens : celui de la protection des consommateurs, des inventeurs, des entrepreneurs et des travailleurs.
L’Europe, par sa taille, par l’intrication de ses flux de transactions électroniques et de marchandises physiques, est le cadre pertinent pour agir. En cette année 2021, elle aborde l’enjeu du e-commerce, ultra-sensible tant il impacte notre vie quotidienne, de façon plutôt volontariste et résolue. Les projets législatifs de l’Union Européenne ne fuient pas les problèmes, exigeant notamment des grandes plateformes comme Amazon ou AliBaba qu’elles mettent enfin les moyens pour lutter contre les fraudeurs et les escrocs. Mais ce n’est qu’un début. Tant d’autres choses restent à faire, par exemple renforcer les douanes, garantir la propriété intellectuelle ou recouvrer la TVA. Christine RIEFA nous aide, à voir ce qui est nécessaire pour continuer ce combat.
La pandémie de coronavirus a accéléré la migration des consommateurs vers les sites de commerce en ligne. Les consommateurs européens achètent désormais fréquemment auprès de commerçants en ligne établis en dehors de l’UE. Il est bien connu qu’il y a une forte incidence de produits dangereux vendus en ligne à la fois sur les sites web des détaillants et sur les plateformes en ligne, auprès de fournisseurs nationaux et étrangers.
Le Bureau européen des unions de consommateurs a indiqué que deux tiers des produits achetés sur les marchés en ligne (dont Amazon, AliExpress, eBay et Wish) ont échoué aux tests de sécurité. Les produits peuvent être dangereux pour diverses raisons, notamment mais pas exclusivement, parce qu’ils sont contrefaits. Toutefois, l’essor du commerce électronique n’est pas la cause de la vente de produits dangereux. Il s’agit seulement d’un facteur facilitant. La vente de produits dangereux découle d’un cadre législatif européen complexe et dépassé et sur une gouvernance internationale inadéquate, qui continue de marquer les chaînes d’approvisionnement mondiales et les nouveaux modèles commerciaux en ligne (par exemple les plateformes en ligne, les livraisons directes et les fournisseurs de services de traitement des commandes). L’augmentation du nombre de petits colis, les lacunes fiscales, le manque d’application des règles de sécurité des consommateurs et le manque de contrôle des activités des intermédiaires ont créé un terrain fertile pour la vente de produits dangereux aux consommateurs européens.
En novembre 2020, la Commission européenne a adopté un nouveau programme de protection des consommateurs qui promet d’accroître la protection des consommateurs grâce à une proposition sur les services numériques (la loi sur les services numériques) et une révision de la directive sur la sécurité des produits de consommation tenant compte de la transformation numérique que le marché a connue. Elle s’engage également à mettre l’accent sur la protection des consommateurs dans le contexte mondial et à adopter des outils de mise en application plus adaptés. Ce rapport suggère les changements nécessaires pour améliorer la sécurité des consommateurs qui achètent en ligne. Il recommande et détaille l’intervention dans 3 domaines clés :
Les nombreuses réformes en cours au niveau de l’UE offrent une occasion unique de définir des règles susceptibles d’aider les consommateurs en limitant l’accès aux produits dangereux et en garantissant la mise en place de recours adéquats lorsque les consommateurs sont lésés. Il s’agit notamment de révisions de la législation sur la sécurité des consommateurs; de révisions de la directive sur la responsabilité du fait des produits, en vertu de laquelle les consommateurs peuvent obtenir réparation lorsqu’ils ont été lésés par des produits défectueux ; de modifications des règles sur la responsabilité des intermédiaires en ligne (grâce à certaines améliorations apportées au premier projet de loi sur les services numériques).
La protection des consommateurs européens contre les produits dangereux nécessite un certain engagement dans la définition de normes, car la nature du commerce électronique et la mondialisation des chaînes d’approvisionnement exigent une réponse internationale. Des efforts d’organisations telles que l’ Organisation mondiale du commerce , la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement ou l’Organisation de coopération et de développement économiques , pour promouvoir un niveau élevé de protection et de sécurité au niveau international seront essentiels, ainsi qu’un engagement bilatéral accru avec les pays considérés comme des points chauds géographiques pour les produits dangereux. Inversement, il est nécessaire de soutenir et de renforcer le travail des douanes ainsi que la collaboration internationale concernant d’autres formes d’application, notamment par le développement d’une boîte à outils internationale d’application et l’amélioration de l’échange rapide d’informations sur les produits dangereux.
Cela se fera en supprimant les échappatoires à la TVA et d’autres avantages logistiques (notamment pour la livraison de petits colis en provenance de l’extérieur de l’UE) ; en mettant l’accent sur la sensibilisation et l’éducation des consommateurs et des commerçants, mais aussi en reconnaissant les besoins des consommateurs vulnérables et à faible revenu qui ne sont peut-être pas en mesure de faire un choix sûr en raison de fonds limités et qui continueront donc à choisir des alternatives bon marché tout en étant conscients du risque potentiel.
Ce rapport présente les principaux problèmes liés à la vente de produits dangereux en ligne et donne quelques recommandations. Il explore les raisons pour lesquelles le commerce électronique en est devenu un catalyseur. Il fait le point sur les législations existantes et formule des recommandations pour toute modification des initiatives législatives à venir, en tenant notamment compte du fait que de grandes quantités de produits dangereux sont vendues dans l’UE et proviennent de régions du monde où le niveau de sécurité et de protection des consommateurs n’est pas déterminé par des standards aussi élevés que dans l’UE. Ce rapport examine notamment les réformes relatives à la sécurité des produits non alimentaires et à la responsabilité du fait des produits et la responsabilité des intermédiaires en ligne. Il examine les outils existants, notamment le rôle de la surveillance du marché et des douanes, ainsi que l’impact de l’absence d’un cadre international harmonisé pour protéger les consommateurs. Compte tenu de son actualité, le rapport se penche également sur les faux vaccins de Covid-19 et la protection des consommateurs.
La loi sur la sécurité des produits n’est pas adaptée aux objectifs (lorsqu’elle existe)
L’absence de mécanismes d’exécution performant
Augmentation de l’utilisation du commerce électronique
Augmentation des niveaux de commerce transfrontalier et des chaînes d’approvisionnement international
Augmentation du niveau de livraison des petits colis
D’après un sondage IFOP, 37% des consommateurs Français se sont déjà fait duper en achetant une contrefaçon sur internet pensant que le produit était authentique.
En France, saisie record de dispositifs médicaux contrefaits en 2020.
L’année 2020 a été marquée par une augmentation de 20% de la saisie par les douanes françaises de produits contrefaits. Des producteurs peu vertueux ont ainsi surfé sur la pandémie et proposé sur le marché français des produits ne répondant pas aux normes. Ainsi, selon les autorités françaises, c’est plus de 128 000 lots de médicaments et plus de 227 000 masques qui ont été saisis rien que l’année dernière.
(Source : Direction générale des douanes et droits indirects)
Saisie record de vaccins contrefaits en Afrique du Sud.
Profitant de la campagne vaccinale en cours à travers la planète, un réseau a été interpellé en Chine, après la saisie de 2 400 vaccins conntrefaits en Afrique du Sud. Cette opération a également permis de découvrir une grande quantité de masques contrefaits. Cette découverte a permis de démanteler un premier réseau, Interpol s’inquiète d’une augmentation de ces phénomènes, et de la vente de vaccins non homologués sur internet qui pourrait avoir des conséquences graves sur la vie des consommateurs.
(Source : Interpol)
“Close”, une œuvre à deux visages victime de contrefaçon.
L’artiste Quibe a vu son dessin faire le tour du monde, reproduit à des centaines de milliers d’exemplaires sur des tasses, tee-shirts… puis vendu sur différents sites de e-commerce. L’artiste n’est jamais consulté ni rémunéré. Si tous les dessins sont protégés au titre du droit d’auteur, les plateformes de e-commerce estiment n’être que des hébergeurs. L’artiste doit alors faire un travail titanesque pour débusquer les faussaires.
Changer les règles de responsabilité du fait des produits afin que les consommateurs puissent obtenir une in- demnisation s’ils sont lésés.
Doter les autorités de surveillance du marché d’outils et de pouvoirs dont elles ont besoin pour faire appliquer la législation. Pour ce faire, elles devront utiliser des outils technologiques et adapter les procédures analogiques à un environnement en ligne.
Adopter une notion élargie de « défaut » qui ne devra plus être basée sur des attentes de sécurité mais plutôt sur les attentes que les utilisateurs peuvent avoir de leurs produits.
Exploiter la possibilité de modifier les règles dans le cadre de l’OMC, notamment dans le cadre des discus- sions en cours sur le commerce électronique (en vue d’adopter un régime qui ne profite pas aux acteurs déjà importants et qui protège les consommateurs de manière efficace et durable).
Apporter des modifications aux régimes de droit de la propriété intellectuelle existants afin de garantir que les détenteurs de propriété intellectuelle puissent contribuer à la lutte contre les produits dangereux.
Rechercher une coopération internationale en matière d’application de la législation lorsqu’elle existe et con- tribuer au renforcement des capacités là où elles font dé- faut.
Supprimer les échappatoires à la TVA et autres avantag- es logistiques.
Prendre en compte les besoins des consommateurs “vulnérables” et à faible revenu.
Mettre l’accent sur la sensibilisation et l’éducation des consommateurs et des commerçants.
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.