«Accord de libre-échange UE-Mercosur: et si on arrêtait les frais ?» – Ma tribune dans l’Opinion

Cet accord n’est bon pour personne. Pour le climat, ce serait une catastrophe. Pour nos agriculteurs, le coup de grâce. Et pour le développement économique du Sud un miroir aux alouettes.

 

Le 13 juin dernier, l’Assemblée nationale adoptait, par 281 voix pour et 58 contre, une résolution transpartisane contre la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). Cette excellente nouvelle aurait été encore plus retentissante si 55 voix de gauche n’avaient pas manqué à l’appel. Mais, ne boudons pas notre plaisir : par son vote, la représentation nationale a refusé une nouvelle fuite en avant vers le moins-disant social et environnemental et a clairement signifié au gouvernement qu’il devra soumettre cet accord à son approbation expresse.

Si ce texte devait rentrer en vigueur, il serait le plus important accord de libre-échange conclu par l’Union européenne, de par la population (780 millions de personnes) et les volumes d’échanges (90 milliards d’euros de biens importés et exportés). Plus de 90 % des échanges commerciaux entre les deux blocs seraient exonérés de droits de douane, facilitant grandement l’importation de ressources naturelles en Europe et de biens manufacturés en Amérique du Sud. Si les multinationales des deux continents y voient de belles opportunités, les défenseurs de l’environnement et du climat y voient pour leur part un motif d’angoisse, car l’accord UE-Mercosur est totalement incompatible avec la transition écologique.

Pour s’en convaincre, quelques chiffres. L’accord prévoit d’exporter chaque année vers l’Europe 99 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de volaille et 650 000 tonnes d’éthanol. Selon différentes ONG, cet accroissement inédit des exportations agricoles (pour le bœuf, +63 % d’ici à 2035) provoquera entre +5 % et + 25% de déforestation supplémentaire. Mais, ce n’est pas tout. L’accord favorisera également les exportations vers le Mercosur de substances actives fabriquées en Europe et… rentrant dans la composition de pesticides interdits sur notre territoire ! Cela accroîtra en retour l’importation de millions de tonnes de produits agricoles traités avec ces pesticides dangereux pour la santé et pour l’environnement.

L’arrivée sur le marché européen de produits agricoles à bas prix en provenance du Mercosur exercera une pression concurrentielle d’autant plus irrésistible que nos agriculteurs doivent respecter les normes les plus strictes du monde

Coût économique. Au coût environnemental s’ajoute le coût économique pour une agriculture européenne qui joue constamment le rôle de variable d’ajustement. L’arrivée sur le marché européen de produits agricoles à bas prix en provenance du Mercosur exercera une pression concurrentielle d’autant plus irrésistible que nos agriculteurs doivent respecter les normes les plus strictes du monde. On ne peut pas à la fois déplorer nos dépendances et mener des politiques qui ne font que les aggraver.

En effet, alors que la France est historiquement une grande puissance agricole, en vingt ans, elle est passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux et ses importations alimentaires ont explosé. En 2022, la France a importé 63 milliards d’euros de denrées alimentaires : deux fois plus qu’en 2000.

Face aux réticences européennes – et particulièrement françaises – les pays du Mercosur s’énervent. Ils estiment que nos exigences, par exemple en matière de lutte contre la déforestation (approuvée à une majorité écrasante par le Parlement européen le 19 avril dernier), sont du « protectionnisme déguisé ». Mais, dans le même temps, les présidents brésilien et argentin ont déclaré le 4 juillet que l’Europe devait cesser de « condamner l’Amérique du Sud au rôle éternel d’exportateurs de matières premières, de produits miniers et de pétrole ». Ils ont parfaitement raison sur le fond, mais ces propos sont étonnants, car en supprimant leurs droits de douane pour nos exportations de biens à forte valeur ajoutée, ils se condamnent eux-mêmes à rester enfermés dans cette division du travail ! Leurs syndicalistes le leur répètent d’ailleurs depuis des années.

En définitive, l’accord UE-Mercosur n’est bon pour personne. Pour le climat, ce serait une catastrophe. Pour nos agriculteurs, le coup de grâce. Et, pour le développement économique du Sud, un miroir aux alouettes. Il faut se rendre à l’évidence et arrêter les frais.

 

Ma tribune sur le site de l’Opinion

mes derniers articles

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.