Les câbles sous-marins et la souveraineté numérique de l’Union européenne – Ma question à la Commission

L’architecture du réseau numérique européen repose quasi-exclusivement sur des câbles sous-marins. Ces câbles, tendus au fond des océans, disposent d’un double avantage : ils coûtent moins cher et permettent un débit plus rapide que les solutions « sans-fil » (satellite, starlink etc.) disponibles sur le marché. 99% du trafic mondial d’Internet passe par 420 câbles sous-marins dont la longueur cumulée dépasse la distance de la Terre à la Lune [1].

Ces infrastructures sont utilisées par tout internaute européen, mais aussi par des services essentiels comme SWIFT (le système de paiement interbancaire interdit aux banques russes après l’invasion de l’Ukraine), ou le réseau inter-hôpitaux, et même certains dispositifs militaires. 

Les câbles sous-marins ont deux vulnérabilités majeures, face auxquelles l’Union européenne est désarmée.

La première vulnérabilité est évidemment le risque de coupure, intentionnelle ou accidentelle. Une centaine de ruptures sont recensées chaque année, le plus souvent causées par les ancres des bateaux de pêche. Ainsi, en 2017, le câble reliant l’Algérie à l’Europe s’était rompu, avec pour conséquence une baisse de 80% du trafic internet algérien [2]. Ce genre d’accident se produit régulièrement, mais les attaques délibérées arrivent aussi. En 2014, la Russie avait sectionné les câbles reliant l’Ukraine au réseau mondial juste avant d’annexer la Crimée. Plus anecdotique, en 2007 des pêcheurs vietnamiens avaient coupé un câble pour en récupérer les matériaux, faisant perdre au Vietnam 90% de sa connectivité.

La seconde vulnérabilité est l’espionnage. Entre 2012 et 2014, la National Security Agency américaine s’était branchée sur les câbles sous-marins pour intercepter les communications de hauts responsables en Allemagne (dont Merkel), en Suède, en Norvège et en France. Edward Snowden nous avait révélé qu’en parallèle, la NSA interceptait les communications de grandes entreprises, parmi lesquelles Orange, en se servant du câble Europe-Algérie.

En cas de rupture, la France ne dispose que d’un seul navire chargé de la maintenance des câbles, alors qu’elle est le principal point d’entrée des câbles reliant l’Union européenne au monde. Si ce navire peut réagir dans l’urgence en cas de coupure, une attaque multiple surpasserait largement les capacités de réponse à disposition des Européens. Quant à leur volonté de lutter contre le piratage des câbles à des fins d’espionnage, elle est à ce jour inexistante.

De même, l’Union européenne est restée atone face aux agissements de la NSA et n’a rien fait pour que ces espionnages cessent et ne puissent plus advenir.

 

J’ai donc posé cette question écrite à la Commission européenne :

 

L’architecture de notre réseau numérique repose sur des câbles sous-marins reliant l’Europe aux autres continents. Toute coupure, accidentelle ou criminelle, mettrait en péril l’accès des citoyens, des entreprises et des Etats membres à de nombreux services en ligne essentiels en matière économique, sanitaire voire militaire. Ces câbles sont d’une telle importance que leur gestion, leur contrôle et leur protection relèvent de l’ambition pour une autonomie stratégique européenne. Des évènements survenus récemment illustrent cet enjeu. En 2017, la rupture du câble SEA-ME-WE-4 qui relie l’Algérie au réseau européen eut pour conséquence une baisse de 80% du trafic internet algérien. En juin 2021, la presse révélait que la National Security Agency américaine avait utilisé ces câbles pour espionner les communications de hauts responsables en Allemagne, en Suède, en Norvège et en France.

Face à ces risques : 

  • Comment la Commission, dans sa stratégie sur la cybersécurité européenne, compte-t-elle protéger ces infrastructures, notamment en cas d’attaques multiples qui surpasseraient nos capacités de réaction actuelles ? 
  • La Commission mène-t-elle ou participe-t-elle à une réflexion sur la conduite à suivre en cas d’utilisation des câbles sous-marins à des fins d’espionnage ?             

 

[1] Besanger, Pierre. (2021, 21 octobre). Si la Russie coupe les câbles sous-marins, l’Europe peut perdre son accès à Internet. The Conversation. https://theconversation.com/si-la-russie-coupe-les-cables-sous-marins-leurope-peut-perdre-son-acces-a-internet-169858

[2] Pitron Guillaume (2021) L’enfer numérique. Les Liens qui libèrent. p.267

                                                                            

mes derniers articles

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.