En échange de ses services nous payons, collectivement, un lourd tribut. Les scandales sur les pratiques du géant du e-commerce sont légion : conditions de travail déplorables, espionnage des salariés et des syndicats, utilisation des données non-publiques des vendeurs hébergés sur sa plateforme pour son propre bénéfice…
Deux enquêtes de la Commission européenne (ouvertes en 2019 et en 2020) visant les pratiques anticoncurrentielles d’Amazon sont en cours : la Commission lui reproche “d’utiliser systématiquement les données commerciales non publiques des vendeurs indépendants actifs sur sa place de marché au bénéfice de sa propre activité de vente au détail”. La seconde enquête porte sur le traitement préférentiel des offres de détail d’Amazon et de celles des vendeurs qui utilisent les services de logistique et de livraison de la plateforme.
En octobre 2021, une enquête de Reuters a mis en lumière de nouvelles pratiques déloyales. Sur la base d’un rapport interne d’Amazon Inde de 2016, les journalistes de Reuters détaillent les différents moyens mis en place afin de gagner toujours plus de parts de marché, au détriment des utilisateurs, des vendeurs tiers, et dans le mépris des règles de concurrence les plus élémentaires. Amazon est en état permanent d’abus de position dominante.
Révélation la plus spectaculaire : Amazon copie le catalogue-produits des vendeurs tiers inscrits sur sa place de marché pour proposer ses propres produits, contrefaits, à prix cassés ! Pour cela, la plateforme s’appuie sur une utilisation déloyale des données des vendeurs tiers. En tant que fournisseur de services, Amazon jouit d’un accès exclusif, interdit à tout autre vendeur, à des données internes (nombre de produits vendus, commentaires, nombre de retours des utilisateurs et motifs de ces retours). Il se sert ensuite des privates brands qu’il détient en propre pour vendre ces contrefaçons. Ces private brands connaissent un essor rapide depuis une dizaine d’années. Aux États-Unis, la première marque propre d’Amazon a été lancée en 2009. En 2017, Amazon détenait 30 marques, aujourd’hui plus d’une centaine. Elles permettent à Amazon de générer des surprofits indus grâce à des marchandises dont les coûts de développement sont supportés par d’autres vendeurs, que le géant dépouille allègrement.
D’autre part, Amazon manipule les algorithmes afin de favoriser l’apparition de ses propres produits dans le classement des résultats de recherche. Cette pratique permet de garantir une croissance ultra rapide aux produits contrefaits proposé par les private brands. Pour ce faire, le géant s’appuie sur le search seeding et les search sparkles. Le premier permet de faire apparaître les produits Amazon parmi les 2 à 3 premiers résultats de recherche. Le second, plus sournois, affiche des bannières publicitaires au-dessus des résultats de recherche, afin d’orienter les consommateurs vers la contrefaçon vendue par Amazon.
Ces pratiques déloyales sont consubstantielles au business model d’Amazon. Elles révèlent le caractère abusif de son double statut : hébergeur de place de marché et vendeur sur cette même place de marché.
Si les abus dévoilés par Reuters se limitent à ce stade aux pratiques du seul Amazon Inde, il n’y a aucune raison de croire qu’elles ne sont pas généralisées à toutes les filiales. J’ai interrogé la Commission européenne afin de savoir comment elle compte prendre en compte ces nouvelles informations dans le cadre de ses enquêtes pour abus de position dominante.
➡️ Question avec demande de réponse écrite à la Commission
Objet : L’utilisation par la Commission des nouveaux éléments concernant les pratiques anti-concurrentielles d’Amazon en Inde
Deux enquêtes de la Commission visent actuellement les pratiques présumées anti-concurrentielles d’Amazon, les faits qui lui sont reprochés sont l’utilisation des données non publiques des vendeurs indépendants et le traitement préférentiel de ses propres produits.
Une enquête de Reuters, fondée sur un rapport interne d’Amazon Inde, apporte des preuves tangibles de l’abus de position dominante auquel se livre Amazon en utilisant les données non publiques des vendeurs indépendants qui utilisent sa place de marché. Amazon s’appuie sur ces données pour sélectionner des produits à copier et les revendre pour ses propres marques. Cette pratique pourrait s’apparenter à de la contrefaçon. L’enquête détaille la manière dont Amazon aurait manipulé les résultats de recherches pour promouvoir ses propres produits.
Ce rapport fournit des informations pertinentes concernant les enquêtes de la Commission sur les pratiques anti-concurrentielles d’Amazon susceptibles de violer les règles européennes de la concurrence. Il n’y a aucune raison de croire que ces pratiques ne sont pas généralisées, notamment à Amazon Europe.
L’UE a signé des accords de coopération avec l’Inde qui permettent l’échange d’information concernant l’application du droit de la concurrence.
- Comment la Commission compte prendre en compte les informations concernant les pratiques d’Amazon Inde dans ses enquêtes en cours ?
- Comment la Commission compte inclure les accusations de contrefaçon dans ses enquêtes en cours ?