Pandora Papers : il n’y a pas de fatalité !

La nouvelle est un choc et pourtant on y est habitué. Les Pandora Papers ne sont qu’un scandale de plus dans la longue liste qui vient scander, comme une sarabande, le cours de nos vies : China Leaks (2014), Panama Papers (2016), Paradise Papers (2017), OpenLux (2021). Cette antienne est lassante, mais finalement « rien de nouveau sous le soleil capitaliste ». Ce qui est véritablement étonnant dans cette affaire, c’est qu’on s’en étonne encore. Pourquoi s’étonner d’un phénomène inscrit dans l’essence même du capitalisme financier transnational ? Accumuler de manière indue puis devoir cacher et dissimuler.

Les Pandora Papers agissent comme un choc et un révélateur. Un choc car c’est le plus gros scandale déterré depuis les Panama Papers : 12 millions de documents confidentiels, provenant de 14 cabinets spécialisés dans la création de comptes offshores dans les paradis fiscaux, épluchés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) pendant près d’un an, dont la fraude est estimée à 11 300 milliards de dollars. Un révélateur car comme dans un dénouement théâtral, les masques tombent et dans la lumière crue des listes de chiffres, nous discernons les parjures et les hypocrites : Tony Blair, ancien premier ministre britannique, champion de la lutte contre la fraude fiscale depuis 1994 ; Andrej Babis, premier ministre tchèque, champion de la « révolution anticorruption » depuis 2011 ; John Dalli, ancien commissaire européen maltais. C’est plus de 330 personnalités politiques, médiatiques et sportives qui sont inquiétées.

Mais passés le choc et la révélation, reste l’étape de la fermeté et de la sanction. Les Tartuffe sont éventés. Que font les dirigeants pendant ce temps ?  L’Union européenne qui avait promis de lutter pied à pied contre l’évasion fiscale ne fait rien, ou plutôt elle préconise l’austérité budgétaire alors que les coffres des nantis débordent. Elle semble impuissante face à ce phénomène, résignée dans son fatalisme, et comme Jacques répète que « tout est écrit là-haut ». Là-haut ? Dans les livres sacrés du capitalisme ? Plutôt là-bas, dans ces îles et ces îlots aux noms enchanteurs pour l’oreille de Midas : Bermudes, Îles Vierges, Seychelles.

Mais il n’y a pas de fatalité, les solutions sont là. Il existe une myriade de rapports parlementaires aussi bien au niveau français qu’au niveau européen, qui proposent des solutions techniques et politiques. En dehors de ces instances, de nombreuses organisations non gouvernementales dont OXFAM, spécialisée sur les questions d’inégalités et de fraudes fiscales, proposent elles aussi depuis de nombreuses années des solutions pour venir à bout de ce fléau. En 2019, à la suite des révélations sur un énième scandale financier, le « Mauritius Leaks », l’organisation publiait son plan pour « mettre fin à l’ère des paradis fiscaux et au nivellement par le bas en matière d’impôts sur les sociétés », organisé autour de cinq principaux points :

  • Établir une liste noire mondiale des paradis fiscaux, propre à chaque pays, qui devra se suivre de la mise en place de sanctions envers ces pays. Au niveau européen, une telle liste existe, et a d’ailleurs été mise à jour en 2021 . Or, aucun des plus gros paradis fiscaux, dont des pays européens comme le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suisse, ni même les Bermudes et les îles Caïmans, ne font partis de cette liste noire.
  • Lancer une réforme internationale pour taxer réellement les grandes fortunes
  • Mettre en place au niveau international un taux d’imposition mondial sur les sociétés : un impôt qui doit être appliqué pays par pays sans exception, avec un niveau qui ne doit pas être trop faible.
  • Mettre fin à l’opacité fiscale des entreprises, des personnes physiques, des sociétés offshores et des multinationales. Pour cela, l’idée est de mettre en place un registre public centralisé et en open data sur les véritables propriétaires des comptes bancaires, des trusts, des sociétés-écrans et des actifs.
  • Améliorer l’échange de renseignements en matière fiscale pour permettre aux autorités fiscales d’accéder aux informations dont elles ont besoin pour traquer les flux d’argent offshore.

 

À l’heure où les gouvernements européens martèlent les populations à coup de discours et de réformes d’austérité, car les poches de l’État seraient « vides », il devient urgent d’aller chercher l’argent là où il y en a : dans celles des grandes entreprises, des grandes puissances et des magnats de l’économie, qui se refusent de participer à l’effort collectif. Les solutions existent, et elles sont faciles à mettre en place, à condition que les politiques prennent leurs responsabilités et mettent fin à cette mascarade qui n’a que trop duré.

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