Comment peut-on voter l’urgence climatique et le Green Deal et en même temps favoriser les énergies fossiles qui sont les principaux vecteurs du dérèglement climatique ? Sanctuariser des investissements étrangers vecteurs de gaz à effet de serre est un non-sens écologique.
Cessons cette grande hypocrisie et allons plus loin ; soulignons l’évidente impasse politique que constitue les tribunaux d’arbitrages, l’une des nombreuses lacunes du Traité, l’expression la plus emblématique de l’atteinte à notre souveraineté et à notre indépendance. Prenons le simple exemple de l’Italie, retirée du Traité en 2016, et qui a néanmoins été attaquée par la compagnie pétrolière britannique Rock Hopper pour son refus de lui accorder une concession de forage pétrolier en mer Adriatique. Où est la souveraineté des Etats ?
Ce genre de cas se multiplient et vont couter une fortune aux États. Cela va nourrir la suspicion sans fin des citoyens, et achever la soumission de notre processus démocratique aux intérêts privés voraces, à rebours de l’intérêt général.
C’est la logique même de l’autonomie de notre droit qui est atteinte, pour preuve la décision du 6 mars 2018 de la Cour de Justice de l’Union Européenne dite Achmea, arrêt dans lequel la Cour conclut à l’incompatibilité entre les articles du TFUE et l’existence d’un mécanisme d’arbitrage. Ce faisant, la Cour démontre que la responsabilité internationale de l’Union européenne pourrait être engagée sur le fondement des traités de protection des investissements. Ce traité sur la Charte de l’énergie en est le parfait exemple.
Nous sommes donc en présence dun’accord multilatéral qui n’est ni compatible avec l’Accord de Paris ni compatible avec le droit communautaire en matière de protection des investissements. Sans même évoquer sur le fond l’urgente nécessité de supprimer la protection des investissements dans les énergies fossiles.
En décembre dernier, 278 ONG nous exhortaient à dénoncer ce traité international. Certains États européens comme la France, le Luxembourg et l’Espagne ont même appelé l’UE à envisager un retrait coordonné du Traité sur le fondement de l’incompatibilité de l’ISDS avec l’Accord de Paris.
Comme nous le rappelions avec 150 de mes collègues députés :
« le maintien du TCE pourrait s’avérer plus coûteux pour le contribuable européen que le montant du plan de relance historique de l’UE convenu en juillet. D’une part, les actifs de combustibles fossiles protégés par le TCE pourraient atteindre au moins 2 150 milliards d’euros d’ici 2050 si les fossiles ne sont pas progressivement retirés du TCE. D’autre part, le coût potentiel des demandes de compensations financières par des investisseurs à travers l’ISDS pourrait s’élever à hauteur de 1 300 milliards d’euros d’ici 2050, dont 42 % seraient supportés par les contribuables européens ».
Au moment où s’ouvre ce nouveau round de négociations, le Parlement, dans sa prérogative de contrôle démocratique à l’égard de la Commission, ne peux que l’encourager à retirer les dispositions protégeant les investissements étrangers dans les combustibles fossiles, supprimer le règlement des différents entre investisseurs et s’assurer de la conformité du Traité avec l’accord de Paris.
En l’état des discussions internes, il semblerait que le Japon soit rétif a toutes modifications, que la Kazakhstan demande un droit de regard sur notre marché intérieur et que la Turquie ne souhaite pas de référence à l’Accord de Paris.
Dans ces conditions, la Commission Européenne doit prendre ses responsabilités, en toute cohérence, et se coordonner avec les États-membres afin d’envisager un retrait du Traité. Il est temps que cette option soit sérieusement travaillée, avec une appréciation fine de ses conséquences juridiques et une sécurisation de nos intérêts.