Source : Médiathèque du Parlement européen

Premières mesures budgétaires de l’UE pour faire face à la crise, Premières leçons à tirer

Il est de bon ton de fustiger l’impuissance et le manque de réactivité des institutions européennes face à la crise du coronavirus. Et en effet, l’idéologie austeritaire imposée par les Traités a obligé de trop nombreux Etats-membres à compresser leurs dépenses publiques de santé : c’est un fait.

L’Etat Providence n’est pas un luxe réservé aux seuls Etats étant parvenus à réduire leur dette et leur déficit public ! L’Etat Providence devrait être la norme partout en Europe, y compris quand les stupides critères de Maastricht ne sont pas respectés. L’Etat-Providence devrait aussi prévaloir sur tous les autres dogmes qui démontrent sous nos yeux leur toxicité, particulièrement la liberté totale de circulation des capitaux et des marchandises et la concurrence libre et non faussée : la faiblesse de nos propres capacités de production en matériels médical, masques, respirateurs, médicaments, tests, résulte directement de cette Europe néolibérale, accélérateur de mondialisation.

Oui, l’Europe actuelle ne manque pas de défauts et sans une correction et une inflexion durable, elle s’exposera immanquablement au risque d’un effondrement à la soviétique. 

Mais efforçons-nous de garder la mesure. Reconnaissons par exemple que si l’Union européenne a tardé à réagir à la crise sanitaire, ses Etats-membres n’ont pas non plus été, sur ce point, exempts de tout reproche !

Ayons aussi à l’esprit que le domaine de la santé n’est pas une compétence européenne et qu’il relève quasi exclusivement des Etats. Observons enfin que la Banque Centrale Européenne, après certes un premier (et énorme) raté de sa nouvelle Présidente au sujet de la dette italienne, a commencé de fournir les centaines de milliards d’euros de liquidités nécessaires au maintien de l’économie. 

Tout n’est pas perdu, et l’Union Européenne peut faire des choses utiles. En témoigne le déblocage, en particulier grâce au volontarisme de mon ami et collègue Younous Omarjee, Président de la Commission du Développement Régional, d’un budget de 37 milliards d’euros pour soulager le fardeau des Etats. Cette somme, en partie obtenue par redéploiements de crédits et par réutilisation d’engagements « non consommés », n’est pas gigantesque mais elle est importante. A l’échelle de la seule France, cela représentera environ 5 à 6 milliards d’euros : ce n’est pas rien !

C’est donc un premier pas qui permettra de financer des programmes de recherche, des infrastructures nouvelles, d’apporter un peu d’aide aux entreprises et aux travailleurs notamment dans les secteurs les plus durement frappés et les territoires les plus défavorisés. Il est à noter que la mise en œuvre de ces programmes se heurtera à moins de bureaucratie, les procédures ayant été accélérées dans un souci de « flexibilité ». On remarquera enfin l’extension des possibilités offertes par le Fonds d’Urgence européen, qui ne se limitera plus aux catastrophes naturelles de type tremblement de terre ; et qui pourra donc financer les dépenses induites par la crise sanitaire. 

L’impréparation des gouvernements d’Europe face à l’épidémie du coronavirus a été flagrante. Il apparaît que ceux sous la plus forte pression des critères d’austérité budgétaire sont aussi ceux dont les capacités hospitalières sont les plus en tension. On pense évidemment à l’Italie. Mais en France aussi, l’obstination du pouvoir actuel et des pouvoirs précédents à se soumettre à l’austérité « quoi qu’il en coûte », a du moins en partie, provoqué la situation très préoccupant dans laquelle nous nous trouvons, et au premier chef celle à laquelle sont confrontés les personnels soignants. Bref : L’Europe a sa part de responsabilité, même si elle essaie, bien tardivement, de réparer un peu les dégâts.

Du point de vue de la politique monétaire, la machine fonctionne et nul doute que si les 750 milliards annoncés la semaine dernière par la BCE ne suffisent pas, d’autres centaines de milliards suivront. Le problème de « l’euro géré à l’Allemande » est donc à peu près réglé (même s’il demeure surévalué pour la France, l’Italie et l’Espagne et sous-évalué pour les Pays-Bas ou l’Allemagne). Mais c’est d’un point de vue budgétaire que cela ne va pas. Dans une crise grave de type « dépression des années 30 », il faut des capacités budgétaires et la seule utilisation de la monnaie pour conserver la liquidité des transactions est insuffisante. Or sur ce point crucial, vital pour des économies qui s’apprêtent à subir des récessions d’au moins 3% en 2020, rien n’est réglé. 

Le vote du Parlement européen des 37 milliards de crédits indique la voie à suivre. Il faut non seulement que le budget européen puisse être suffisamment flexible et réactif pour en débloquer d’autres, mais surtout que les conditions d’accès aux instruments existants, tout particulièrement le Mécanisme Européen de Stabilité (MES, conçu pour aider les Etats de la zone euro frappés par des graves chocs économiques, doté de 700 milliards d’euros), soit fortement facilité. Qu’on en finisse une fois pour toutes avec ces conditions léonines imposées (par l’Allemagne) pour son utilisation ! Il serait d’une absurdité aussi exponentielle que la courbe des contaminations, que l’Italie se voie d’abord octroyer des dizaines de milliards d’euros en prêts du MES, pour ensuite devoir les rembourser en taillant dans ses dépenses sociales et en fermant des services publics…

A ce jour, les Etats ne parviennent pas à se mettre d’accord. La France, l’Italie et l’Espagne demandent un assouplissement du MES ; l’Allemagne et les Pays-Bas renâclent. Demeurons optimistes et disons-nous que l’Europe fera (enfin) prévaloir la solidarité et l’intérêt général face aux égoïsmes et aux doctrines mortifères du siècle dernier. Faute de quoi d’ici peu, plus personne ne parlera d’Union si ce n’est pour la confiner, puis l’enterrer.

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