Les faits sont têtus. Mercredi 12 février, le Parlement européen devra normalement se prononcer sur l’accord de libre-échange entre la République du Viêt Nam et l’Union européenne, ainsi que sur l’accord de protection des investissements entre les deux entités. Or, plusieurs problèmes sérieux persistent encore en amont de ce vote. L’occasion nous est donc donnée de réclamer des actes aux autorités vietnamiennes, et non pas des promesses. Le commerce doit être un outil, non pas une fin en soi.
Premièrement les réponses apportées par le gouvernement vietnamien sur la question des droits de l’homme sont encore trop faibles. Rappelons que des interpellations ont eu lieux alors même que le processus de ratification par le Parlement européen était en phase finale. Blogueurs, journalistes, citoyens engagés vivent sous la menace permanente d’emprisonnements arbitraires.
Le chemin vers la démocratie et le respect des droits de l’homme est parfois long et compliqué. Mais c’est précisément dans ces moments d’échanges, ou l’Europe a l’opportunité d’engager un véritable débat avec ses partenaires, que des avancées concrètes doivent être réalisées. C’est maintenant que ces questions fondamentales doivent progresser. Et pour ce faire nous n’avons pas besoin de « roadmap », d’engagements, de promesses, nous avons besoin de modifications légales.
Il en est de même sur les enjeux environnementaux. Si l’article 13 de l’accord prévoit un dispositif relatif au développement durable, l’absence de mécanisme d’exécution ne permettra pas de sanctionner les atteintes qui seront faites aux règlementations environnementales. Pire que cela, un mécanisme d’arbitrage permettra aux grands groupes de venir remettre en cause des décisions souveraines des États afin d’invalider des modifications législatives protectrices pour l’environnement. Ajoutons à cela que l’accroissement général du commerce n’est pas exactement gage de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Les accords de libre-échange tels que proposés par l’Union européenne à ses partenaires sont à rebours de ce qui est affiché, et voté, sur l’urgence climatique, le « green deal » européen, ou l’accord de Paris sur le climat. Là encore, l’Union européenne, première puissance commerciale au monde, ne peut plus continuer comme avant et se doit d’assumer, dans les actes, sa volonté de lutter contre le changement climatique.
Enfin, si le gouvernement vietnamien s’est engagé à ratifier les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) visant notamment à permettre la défense des travailleurs via des organisations syndicales, son code pénal permet dans le même temps d’empêcher leur application en protégeant toutes atteintes supposées au régime. Dès lors, nous avons besoin de ratifications immédiates des conventions de l’OIT ainsi que d’une réforme du code pénal. C’est à ce prix que nous pourrons commercer plus librement avec un pays qui non seulement respecte les droits élémentaires des travailleurs, continue de lutter contre le travail des enfants, et vient empêcher la possibilité d’un dumping social. Car cette concurrence « déloyale » se répercutera inexorablement sur l’emploi des travailleurs européens, la pression à la baisse de leur salaire, ainsi que sur les règles qui les protègent.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que le commerce doit être un instrument soumis à des règles et des valeurs, et non pas une fin en soi, je demanderai au nom de mon groupe politique de la Gauche Unitaire Européenne (GUE/NGL), un report de ce vote. Et cela, afin de permettre au gouvernement vietnamien de faire la preuve concrète de sa bonne volonté.