Élection de Bolsonaro : entre le commerce et la démocratie, la Commissaire Malmström a fait son choix, sonnant et trébuchant !

La réponse de Cécilia Malmström, Commissaire au Commerce de l’Union européenne, à ma question sur les conséquences de l’élection de Jair Bolsonaro m’a proprement sidéré.

Cet homme alterne à l’encontre des femmes, des homosexuels ou des minorités ethniques toutes sortes de plaisanteries et insultes allant du viol au meurtre en passant par la torture. Il s’est sciemment rendu complice de l’emprisonnement sans la moindre preuve de l’ancien Président Lula, en nommant Ministre de la Justice le juge qui a trafiqué la procédure entre deux allers-retours (fréquents, très fréquents) aux Etats-Unis. Ce dernier s’apprête à honorer l’une des promesses phares de son chef : l’armement de milices privées autorisées à tirer sur tout ce qui ressemble à la classe dangereuse. Bolsonaro est ouvertement climatosceptique et s’apprête à livrer la totalité de la forêt amazonienne à ses amis de l’agro-business, sans aucun ménagement pour les populations locales ni, bien évidemment, pour le respect de la nature. Il a nommé Ministre de l’Economie un ultralibéral nostalgique de Reagan, dont l’agenda est de détruire toutes les protections et programmes sociaux dont bénéficient les travailleurs brésiliens. Quant à son élection, Bolsonaro la doit aux méthodes de l’activiste d’extrême-droite Steve Bannon, qui s’est illustré durant la campagne en persuadant l’électorat que le candidat du Parti des Travailleurs voulait légaliser la pédophilie ! En clair : Bolsonaro est un Président de guerre civile, qui bafoue tous les principes sur lesquels l’Union européenne a été fondée. Et c’est avec lui qu’en notre nom, l’Europe négocie.

Tout cela n’a pas la moindre importance pour Mme Malmström et sa Commission Juncker. Pour elle, le commerce est au-dessus de tout. C’est plus qu’un idéal, c’est une religion, un fanatisme. A l’heure où j’écris ces lignes, les fonctionnaires de Mme Malmström s’activent dans leur bureau, pour calculer au plus juste les profits que tireront les multinationales d’un accord avec le Mercosur. Ils consacreront peut-être quelques heures supplémentaires à nous faire miroiter des créations d’emplois par milliers. Mais la Direction Générale pour le Commerce connaît les résultats probables de sa fuite en avant ; elle sait que les négociations qu’elle mène en toute opacité avec le Brésil et l’Argentine anéantiront l’agriculture européenne, submergée par un tsunami de produits agricoles gavés d’OGM, de pesticides et de conditions de travail dignes de l’esclavage.

Dans une langue de bois digne des grands éditos de la Pravda, la Commissaire a le culot d’affirmer que l’accord à venir avec le Mercosur « contiendra un chapitre sur le commerce et le développement durable visant à garantir que les investissements et les relations commerciales ne sont pas développés au détriment de l’environnement et à encourager la complémentarité entre croissance économique, développemement social et protection de l’environnement ». On croit rêver. Ou plutôt cauchemarder. La Commission sait parfaitement qu’avec Bolsonaro et Macri à la tête des deux plus grandes économies du Mercosur, tout sera permis, tout sera bon pour le profit. L’environnement ne comptera pour rien dans la définition des politiques, et « ceux qui ne sont rien », pour moins que rien. En cinq années, pourtant politiquement très éprouvantes, de mandat de député européen, je n’avais jamais vu une telle hypocrisie, une telle indifférence, une telle culture du mensonge.

Au-delà de ce cas spécifique du Brésil, et des conséquences terribles que l’élection de Bolsonaro aura après celle de Trump, son grand ami (avec qui l’Union européenne négocie aussi, en douce, un accord de libre-échange !), la désinvolture et le mépris à l’égard de tout ce qui n’est pas marchand et lucratif, en disent très long sur la véritable nature de cette Europe entièrement dévouée au règne de l’argent. Comment peut-elle prôner ses « valeurs », particulièrement les libertés publiques, la protection sociale ou l’engagement inconditionnel pour la transition écologique, « et en même temps » les fouler systématiquement aux pieds à chaque fois qu’un accord commercial est signé ? Il n’y a à proprement parler aucun accord récemment signé par l’UE qui respecte les normes sociales et environnementales. Aucun accord ne prévoit de mécanisme contraignant pour les faire appliquer, mais tous les accords contiennent des sanctions en cas d’entrave aux investissements, même dans l’intérêt des consommateurs. Tous les accords garantissent une liberté totale de circulation des capitaux et « d’innovation financière ». Tous les accords de libre-échange éloignent non seulement l’Union européenne, mais aussi ses partenaires commerciaux, des engagements de la COP21. Et on voudrait nous faire croire qu’un accord avec Bolsonaro aurait un autre effet que les précédents ? L’Europe ne peut plus continuer comme ça. Elle n’aura bientôt plus d’autre choix que se ressaisir ou périr.

Question avec demande de réponse écrite P-005633/2018

à la Commission

Article 130 du règlement

Emmanuel Maurel (S&D)

Objet:          Conclusion à tirer de l’élection d’un président d’extrême-droite au Brésil sur les négociations avec le Mercosur

La Commission européenne répète en toutes occasions que non seulement l’Union européenne, mais aussi ses accords de partenariat économique (APE), sont fondés sur des valeurs démocratiques, humanistes et progressistes. Nos institutions font part, en outre, de leur préoccupation croissante, même si non traduite à ce jour en mesures contraignantes, au sujet des enjeux environnementaux et de leur place au sein des APE.

Jair Bolsonaro, élu le 28 octobre 2018 président du Brésil, première puissance économique du Mercosur, contredit tous ces principes fondamentaux et lignes directrices.

Les propos ouvertement hostiles de M. Bolsonaro à l’égard des femmes, des homosexuels, des noirs et des natifs; son dispositif politique appuyé sur les militaires; ses bandes armées coupables d’intimidations, d’agressions et d’assassinats; ses déclarations sur une sortie prochaine du Brésil de l’accord de Paris et la mise en exploitation agricole et minière de toute l’Amazonie, sont effectivement incompatibles, à mes yeux et à ceux de tous les démocrates, avec les valeurs de l’Union européenne.

Quand la Commission annoncera-t-elle l’arrêt complet des négociations en vue de la conclusion d’un APE avec le Mercosur?

Précisera-t-elle que dans de telles conditions, aucune négociation séparée avec le seul Brésil ne saurait avoir lieu?

Réponse donnée par Mme Malmström

au nom de la Commission européenne

(21.12.2018)

L’Union européenne est en cours de négociation d’un accord d’association interrégional avec le Mercosur, qui comprend le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay en tant que membres à part entière. Cet accord aurait une grande valeur, compte tenu de la taille du marché des pays du Mercosur (270 millions de personnes) et des gains importants que sa conclusion permettrait grâce à la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires existantes très élevées. Il offrira de nouvelles possibilités d’investissement et renforcera les liens bilatéraux entre l’UE et les pays du Mercosur, en promouvant la croissance et en améliorant les niveaux de vie.

 

En ce qui concerne l’élection de M. Bolsonaro, la Commission européenne respecte le choix démocratique du peuple brésilien et espère que le président élu coopérera avec les autres institutions du pays, et notamment le Congrès, pour faire progresser le développement démocratique, économique et social du Brésil, dans l’intérêt de tous ses citoyens.

 

L’UE et le Brésil entretiennent un partenariat stratégique de longue date sur les questions bilatérales et multilatérales, ce qui concerne notamment le commerce, la protection de l’environnement et les droits de l’homme. L’UE est prête à continuer de renforcer ce partenariat, y compris dans le cadre d’un accord d’association UE-Mercosur. Comme d’autres accords commerciaux récemment conclus par l’Union européenne, l’accord contiendra un chapitre sur le commerce et le développement durable, visant à garantir que les investissements et les relations commerciales ne sont pas développés au détriment de l’environnement, et à encourager la complémentarité entre croissance économique, développement social et protection de l’environnement. L’UE reste attachée à la conclusion d’un accord ambitieux, équilibré et mutuellement avantageux.

 

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