Le Monde et 18 autres médias européens nous apprennent l’existence d’un scandale continental de contournement de l’impôt sur les dividendes qui aurait causé un manque à gagner de 55 milliards d’euros depuis 2001 pour onze pays européens ! La France perdrait potentiellement trois milliards de rentrées fiscales par an.
Les montages révélés permettent de minimiser les sommes dues au titre de l’impôt sur les dividendes.
Tout d’abord, il y a ceux qui transfèrent leurs actions, juste avant le versement du dividende, à l’étranger (par exemple aux Emirats Arabes Unis, qu’un accord avec la France exempte d’impôt sur les dividendes du CAC40). Leur partenaire étranger touche le dividende, ne paie aucun impôt dessus, puis renvoie en France l’action et le dividende, net d’impôts, moyennant une petite commission pour service rendus.
Puis il y a ceux qui se regroupent pour s’acheter et se vendre plusieurs fois la même action avant le versement du dividende, si bien que l’administration fiscale ne sait plus qui en est propriétaire au moment du déclenchement de l’impôt. Or il existe un système de crédit d’impôt sur le dividende, s’adressant essentiellement aux non-résidents (afin qu’ils ne paient pas cet impôt deux fois, en France et dans leur pays) et leur permettant de se faire rembourser une partie de l’impôt dû. Comme le fisc ne sait plus à qui appartient l’action, il rembourse alors autant de fois l’impôt sur le dividende qu’il y a de complices dans la manœuvre.
Des grandes banques françaises et des cabinets de conseil sont impliqués dans ce scandale. Ils ont profité de l’opacité fiscale, savamment entretenue par les accords internationaux, pour échapper à l’impôt d’une manière similaire à celle observée à l’occasion de l’affaire Panama Papers.
Force est de constater que les traités de libre-échange signés actuellement par la Commission européenne, aggravent ces dérives en livrant la finance à une dérégulation presque totale, comme on l’a encore vu dans l’accord avec le Japon. Pire, il n’existe toujours pas de règles contraignantes en matière de transparence fiscale, alors que les ONG et de très nombreux parlementaires européens les réclament depuis des années, sans aucun retour positif de la part de la Commission.
Les États semblent s’accommoder de ce pillage et ne protestent que mollement malgré l’énormité des sommes soustraites au contribuable. La France n’est pas la moins silencieuse sur ce sujet. J’appelle le gouvernement à la plus grande sévérité et à l’application de sanctions exemplaires contre les acteurs impliqués dans ces pratiques qui minent le consentement à l’impôt et le pacte républicain.
Je ne doute pas que l’Exécutif obtiendra le concours du Parquet National Financier dans cette affaire, où contrairement à d’autres, les investigations sont sérieuses et les infractions réellement constituées.