Jeudi 14 juin 2018, le Parlement européen a rejeté trois textes plaçant le transport routier (de marchandises et de voyageurs) hors du champ d’application du travail détaché et aggravant ses conditions de travail.
La nouvelle directive « détachement » votée le 29 mai consacrait en effet le principe « à travail égal, salaire égal », en permettant aux travailleurs détachés d’accéder aux conventions collectives, au paiement des primes et aux majorations salariales en cas d’heures supplémentaires. Mais le Conseil de septembre 2017 avait exclu les salariés du transport routier de la réforme, sur pression des pays de l’Est.
Sur cette base, la Commission avait soumis au Parlement des textes spécifiques au transport routier, avalisant la flexibilisation du secteur et le dumping social qui en découle.
Les entreprises de transport routier pouvaient ainsi forcer leurs conducteurs à prendre leur temps de repos en cabine, sur une aire d’autoroute (à condition, progrès spectaculaire, qu’elle soit dotée du wifi, des sanitaires et d’un restaurant) ! Ces dispositions rayaient d’un trait de plume la jurisprudence de la Cour de Justice autorisant la France et la Belgique d’interdire le repos des routiers en cabine.
Comme si cela ne suffisait pas, le compromis trouvé en commission parlementaire donnait la faculté aux employeurs de flexibiliser le temps de travail des routiers, en limitant leurs périodes de repos à seulement 24h hebdomadaires pendant deux semaines consécutives ! Il était même possible de considérer comme un « repos » le temps passé dans son camion lorsqu’il est chargé sur un train ou sur un bateau entre deux trajets routiers…
Certes, le « cabotage » (c’est-à-dire une mission effectuée sur le territoire d’un pays dont le routier n’est pas ressortissant, ni son entreprise) était ramené de 5 à 2 jours maximum (avec 3 jours de repos entre deux cabotages). Mais ce progrès était contrebalancé par l’autorisation donnée aux entreprises d’ordonner un ou plusieurs cabotages sur le trajet de retour au pays d’origine !
Alors que le projet européen est censé faire converger les niveaux de vie de tous les Européens, ces divers textes perpétuaient le dumping social intra-européen dans un secteur, le transport routier, pourtant emblématique de la libre-circulation des travailleurs (et représentant 30% du travail détaché).
Il est donc très heureux qu’une majorité des parlementaires européens (et parmi eux, presque tous les députés français) aient rejeté cette régression et exigé du Conseil et de la Commission qu’ils revoient profondément leur copie.
J’appelle les députés socialistes européens à rester mobilisés, pour faire échec à toute nouvelle tentative d’infliger aux routiers un traitement inégal parmi les travailleurs détachés. Quelle que soit l’origine, quel que soit le métier, les mêmes droits doivent bénéficier à tous les travailleurs !