Contre l’avis du Conseil des ministres européens, aligné sur les lobbies, nous venons d’obtenir une première victoire contre les perturbateurs endocriniens au Parlement européen. En effet la commission ENVI a refusé la définition proposée par la Commission européenne et le Conseil. Le vote définitif aura lieu en session plénière mercredi 4 octobre à Strasbourg. La balle est dans le camp des députés européens.
Guillaume BALAS, Edouard MARTIN, Isabelle THOMAS, Christine REVAULT d’ALLONNES BONNEFOY, Eric ANDRIEU, Sylvie GUILLAUME, Marc TARABELLA, Emmanuel MAUREL, Virginie ROZIERE, Jean-Paul DENANOT.
Le 28 septembre, la commission parlementaire ENVI (environnement, santé, sécurité alimentaire) a rejeté la proposition de définition des perturbateurs endocriniens proposée par la Commission européenne et la Conseil.
Sur la forme, nous reprochons à la Commission d’avoir décidé seule sur un tel sujet, au-delà de ses propres prérogatives, quand le Parlement européen, seule instance démocratiquement élue, n’est consulté qu’à la fin du processus.
Sur le fond, s’il faut rappeler que la Commission a été condamnée en justice pour inaction, elle se réveille tardivement avec une proposition à bien des égards inquiétante.
De quoi parle-t-on ? Les perturbateurs endocriniens, substances chimiques induisant des effets néfastes sur les organismes, génèrent une recrudescence de cancer, une baisse de la fertilité, une augmentation des malformations sexuelles, des pubertés précoces. Certaines études vont jusqu’à établir un lien entre une baisse du Quotient Intellectuel et ces substances auxquelles sont de plus en plus exposés nos organismes.
Que proposent la Commission européenne et le Conseil ? Les États membres se sont mis d’accord sur la définition des perturbateurs le 4 juillet dernier, après sept réunions infructueuses. La Suède et le Danemark ont voté contre, la France a « fait la bascule » en se prononçant favorablement. Le gouvernement français porte ici une lourde responsabilité dans cette affaire, puisqu’il était jusqu’à présent en pointe dans le principe de précaution et qu’il s’est lamentablement rallié aux intérêts entendus des lobbies de la chimie et de l’agriculture, pour qui une définition précise aurait entrainé des coûts et une responsabilité pénale.
Cette définition que nous appelions de nos vœux depuis si longtemps nous arrive finalement incomplète, cosmétique et trouée.
Incomplète : l’usage du mot « avéré » pour déterminer le niveau de confiance scientifique exigé exclut de facto du champ d’application les produits « présumés » être des perturbateurs endocriniens.
Cosmétique : dans une suprême hypocrisie, de nombreux pesticides bénéficient de dérogations les excluant de la définition. Ces produits d’éradication des insectes et des mauvaises herbes viennent affecter notre système hormonal et sont pourtant en dehors de la définition.
Trouée : le texte se borne à certains produits phytopharmaceutiques (pesticides) sans prendre en compte les perturbateurs présents dans les solvants, les produits d’entretiens, les cosmétiques, les plastiques…
Dès lors comment pourrions-nous nous satisfaire d’une si coupable légèreté sur un sujet aussi grave ?
Par l’intermédiaire du Ministre de l’environnement français, Nicolas Hulot, qui par ses prises de paroles et sa fonction assume la responsabilité de cette décision, nous nous retrouvons désormais confrontés à un paradoxe politique classique quand il s’agit de nouvelles règlementations protectrices. Soit une majorité du Parlement européen valide cette définition au rabais, considérant qu’elle a le mérite d’exister, soit une majorité s’y oppose au nom de l’importance des enjeux et de l’honnêteté intellectuelle.
C’est clairement le second choix que nous faisons, appelant l’ensemble des députés européens à se prononcer mercredi à Strasbourg contre cette définition coupable. Nous appelons le Président de la Commission européenne à faire des perturbateurs endocriniens une des grandes causes européennes en 2018 afin de trouver une définition ambitieuse et protectrice. En aucun cas, nous ne nous résignerons au chantage au moins disant sanitaire pour contenter des intérêts privés contre l’intérêt général. Il y a urgence à agir, nous sommes tous concernés.