Les députés européens Edouard Martin et Emmanuel Maurel (PS) appellent, dans une tribune au « Monde », Emmanuel Macron à soutenir les mesures antidumping proposées par le Parlement de Strasbourg face à un conseil des ministres européens réticent.
« Pour les travailleurs, et pour nos compatriotes de manière générale, il est incompréhensible que l’UE, forte de plus de 500 millions d’habitants, première puissance commerciale mondiale, peine à imposer des règles protectrices face au dumping industriel, alors tous ses grands partenaires commerciaux le font ». (Photo, de gauche à droite : le premier ministre canadien Justin Trudeau, le président du Conseil européen Donald Tusk, la chancelière allemande Angela Merkel, le président américain Donald Trump, le président français Emmanuel Macron et le premier ministre japonais Shinzo Abe lors du sommet du G7 à Taormina (Italie), le vendredi 26 mai). Evan Vucci / AP
TRIBUNE. Lors de sa campagne électorale, le candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron avait fait la promesse d’ériger une Europe moins naïve en matière commerciale, qui protège davantage ses industries et ses travailleurs.
Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, que nous nous efforçons de poursuivre depuis notre arrivée au Parlement européen. Depuis 2014, nous avons patiemment construit une coalition d’eurodéputés, de syndicats et d’industriels favorables au renforcement des instruments de défense commerciale de l’Union européenne (UE). Mais nous nous sommes souvent heurtés à un mur, celui du conseil des ministres de l’UE – dominé par les conservateurs et par la famille politique d’Emmanuel Macron, celle des libéraux – sincèrement convaincu des bienfaits d’une concurrence internationale maximale.
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Tous les faits leur ont pourtant donné tort. Combien de fermetures d’usines directement imputables à l’impuissance de l’UE face à la concurrence déloyale de la Chine ? Combien de plans sociaux liés à la faiblesse des instruments de défense commerciale, incapables de juguler le déversement en Europe de produits dont le prix est inférieur à leur coût de production ?
Naïveté
Les fermetures d’usine ne sont pas une fatalité : elles s’expliquent par la naïveté doublée de passivité de l’UE face aux pratiques commerciales agressives d’Etats tels que la Chine. Cela avait pourtant bien commencé, puisque nous savons gré à M. Macron, alors ministre de l’économie, d’avoir réussi à faire bouger quelques lignes. Pourtant, que personne ne se méprenne, ce qu’il reste à faire excède largement ce qui a été réalisé.
Pour les travailleurs, et pour nos compatriotes de manière générale, il est incompréhensible que l’UE, forte de plus de 500 millions d’habitants, première puissance commerciale mondiale, peine à imposer des règles protectrices face au dumping industriel, alors tous ses grands partenaires commerciaux le font.
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Comment se fait-il que les Etats-Unis aient toujours mis un point d’honneur à imposer des taxes antidumping punitives, de l’ordre de 200 à 300 %, sur l’acier chinois, voire même sur l’acier européen, quand l’Europe finasse, quitte à laisser des pans entiers de son industrie dépérir ?
Docilité coupable
Comment se fait-il que nos partenaires américains, canadiens, japonais, brésiliens, mexicains soient capables de tenir un rapport de force avec la Chine à l’Organisation mondiale du commerce sur la question de son accession au statut d’économie de marché, quand l’Union européenne se signale par une docilité coupable ?
La France doit jouer avec ses alliés naturels (les pays méditerranéens) le rôle qui est le sien
La France n’a pas vocation à laisser l’Europe se tertiariser. Notre pays ne peut pas devenir un simple « hub » de libre-échange ou un paradis fiscal en plein cœur de l’Europe, comme l’ont choisi certains de nos voisins. La France doit jouer avec ses alliés naturels (les pays méditerranéens) le rôle qui est le sien : défendre son savoir-faire industriel et artisanal dans la mondialisation.
Nous remarquons, non sans perplexité, que les portefeuilles de l’industrie et du commerce extérieur n’ont pas été pourvus par des responsables en titre dans le premier gouvernement du quinquennat Macron. Or, sur deux textes – la modernisation des instruments de défense commerciale ; la nouvelle méthodologie antidumping – le Parlement européen a pris des positions fortes, mais rencontre l’opposition intransigeante du conseil des ministres européens.
Nous pensons que ces deux textes sont autant d’opportunités de faire la preuve de votre volonté de construire une Europe qui protège en refusant toutes positions au rabais. Un nouveau bras de fer va commencer à Bruxelles, et nous comptons sur le soutien de la France.
Publié dans le Monde