Afin de relancer le projet européen, les forces progressistes doivent avoir une vision ambitieuse allant au-delà d’un système intergouvernemental et met en œuvre une véritable méthode communautaire, écrivent les députés de l’alliance Progressive Caucus.
Tribune signée par Guillaume Balas (député européen, S&D), Sergio Cofferati (député européen, S&D), Eva Joly (députée européenne, Greens/EFA), Curzio Maltese (député européen, GUE/NGL), Florent Marcellesi (Greens/EFA), Emmanuel Maurel (député européen, S&D), Dimitrios Papadimoulis (député européen, GUE/NGL), Georgi Pirinski (député européen, S&D) and Ernest Urtasun (député européen, Greens/EFA) ; ils sont membres de l’alliance Progressive Caucus.
Un spectre hante l’Europe. C’est l’Europe elle-même, dirigée par les intérêts de l’élite néo-libérale et financière. Soixante ans après le traité de Rome, le rêve de l’Union qui a osé se réveiller pour la première fois dans les prisons fascistes a été trahi. L’Europe reste un continent encore riche mais habité par une population de plus en plus pauvre.
L’austérité qui est devenue le dogme de l’Union Européenne, depuis la crise de 2007 jusqu’à aujourd’hui, a échoué dans l’ensemble et a entraîné des inégalités croissantes. Les pauvres sont devenus progressivement plus pauvres, les rares riches sont devenus plus riches, les dettes souveraines n’ont pas été régulées et la désaffection des citoyens de l’Union européenne a augmenté.
Vote après vote, soit pour un référendum, soit pour une élection nationale, les partis progressistes et conservateurs, qui ont permis plus d’un demi-siècle de développement démocratique, se sont effondrés. Parmi les décombres surgit un populisme peu scrupuleux qui n’offre pas une alternative authentique, mais simplement un reflet immédiat de la fureur justifiée des oubliés et des vaincus.
Le Livre blanc que la Commission Juncker a préparé est encore une déception sévère. Il convoque la vision du Manifeste de Ventotene porté par Altiero Spinelli et Ernesto Rossi sur la création de l’Union mais ne fournit pas de diagnostic et de substance, en décrivant simplement un avenir vide.
Les cinq scénarios techniques possibles pour l’évolution de l’Europe nous piègent de nouveau dans un paradigme de plus d’Europe ou moins d’Europe, confirmant que le rôle de la Commission s’est dégradé en humble secrétariat du Conseil et des États membres.
En tant que membres du Progressive Caucus, nous défendons le scénario manquant et pourtant le seul possible. L’Union européenne ne peut se réaliser sur le terrain aride des paramètres économiques, ou sur celui de la monnaie unique, mais par un New Deal pour les peuples basé sur ses valeurs fondatrices : la justice sociale, la liberté des citoyens et la solidarité.
C’est la condition sine qua non pour garantir un avenir pour l’Union européenne.
Cela pourrait sembler une utopie de transmettre aujourd’hui cette idée de l’Europe des peuples, mais c’est la seule perspective réaliste en face de deux choix suicidaires.
D’une part, la proposition de la Commission européenne, la préservation du statu quo avec peu d’ajustements techniques, finira par accélérer le processus de dissolution commencé avec le Brexit.
D’autre part, le retour nostalgique, dangereux et définitivement impossible au nationalisme du vingtième siècle, entraîné par le populisme.
Pour relancer le projet européen, les forces progressistes doivent avoir une vision ambitieuse qui va au-delà d’un système intergouvernemental et met en œuvre une véritable méthode communautaire. Cela se traduit par une série de propositions pratiques qui couvrent tous les points qui rompent avec l’idée d’une Europe conçue dans ces dernières décennies de domination culturelle du programme libéral :
- investissements centrés sur la création d’emplois ;
- démocratisation des institutions européennes en réexaminant les traités ;
- politiques d’accueil des réfugiés ;
- cadre européen commun pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent ;
- passage des politiques d’austérité à une transition écologique et un nouveau grand pacte pour les citoyens qui assume la prédominance des droits sociaux, de l’éducation, des biens communs et une vision partagée du développement durable.
Au contraire de l’alternative entre le statu quo et le nationalisme, notre but, indépendamment des distinctions entre groupes, écologiques, radicaux et socialistes, est de mettre en place un nouveau projet pour l’Europe.
Dans l’histoire laïque de la gauche européenne, plusieurs propositions ont été conçues comme des utopies et ont été pourtant réalisées. Cela s’est réalisé lorsque les forces progressistes ont su placer au cœur de leur vision les besoins réels des gens.
Aujourd’hui, les Européens n’ont pas besoin de murs ou de clôtures bureaucratiques placés dans la protection de l’establishment, mais des valeurs cohérentes au service de l’intérêt collectif. Sans cela, l’Europe risque de se désintégrer lors de la prochaine crise inévitable.
Version anglaise
In order to revive the European project, the progressive forces must have an ambitious vision that goes beyond an intergovernmental system and implements a genuine Community method, MEPs from the Progressive Caucus alliance write.
Guillaume Balas (MEP, S&D), Sergio Cofferati (MEP, S&D), Eva Joly (MEP, Greens/EFA), Curzio Maltese (MEP, GUE/NGL), Florent Marcellesi (Greens/EFA), Emmanuel Maurel (MEP, S&D), Dimitrios Papadimoulis (MEP, GUE/NGL), Georgi Pirinski (MEP, S&D) and Ernest Urtasun (MEP, Greens/EFA) are members of the Progressive Caucus alliance.
A spectre is haunting Europe. It is Europe itself, led by interests of the financial neoliberal elite. Sixty years after the Treaty of Rome the dream of the Union that dared to awaken for the first time in the fascist jails has been betrayed. Europe remains a wealthy continent yet inhabited by an increasingly poor population.
The austerity that has become the dogma of the Union from the 2007 crisis until today has failed across the board and has resulted in growing inequalities. The poor have become progressively poorer, the few rich have become richer, the sovereign debts haven’t been regulated, and the disaffection of the citizens of the European Union has increased.
Vote after vote, either for a referendum or for a national election, the progressive and conservative palaces, which had secured more than half a century of democratic development, have collapsed. Among the rubble arises an unscrupulous populism that does not offer a genuine alternative, but merely an immediate vent to the justified rage of the forgotten and the defeated.
The White Paper that the Juncker Commission has prepared is yet another searing disappointment. It summons the vision of the Ventotene Manifesto by Altiero Spinelli and Ernesto Rossi on the creation of the Union but fails to deliver diagnosis and substance, merely describing an empty future.
The five technical possible scenarios for the evolution of Europe are once again trapping us in a paradigm of more Europe or less Europe, confirming that the role of the Commission is downgraded to humble secretariat of the Council and the member states.
As members of the Progressive Caucus, we advocate for the missing and only possible scenario. The European Union cannot realise itself on the arid terrain of economic parameters, or on that of the single currency but through a New Deal among the people based on its founding values: social justice, freedom of people and solidarity.
This is the sine qua no condition to guarantee a future for the European Union.
It might seem a utopia to forward today this idea of Europe of the people, but it is the only realistic perspective amid two suicidal choices.
On one hand, the proposal of the European Commission, the preservation of the status quo with few technical adjustments, will end up in accelerating the dissolution process began with the Brexit.
On the other hand, the nostalgic, dangerous and definitely impossible return to twentieth-century nationalism, ridden by populism.
So to revive the European project the progressive forces must have an ambitious vision that goes beyond an intergovernmental system and implements a genuine Community method.
This translates into a series of practical proposals that cover all the falling points of the idea of Europe as designed in these decades of cultural dominion of the liberal programme: investments centred on creating jobs; democratisation of the European institutions by reviewing the treaties; policies of reception of refugees; a common European framework for fighting tax evasion and money laundering; a shift from austerity policies to a green transition and a new grand pact amongst the people which sanctions based on the predominance of social rights, education, common goods and a shared vision of sustainable development.
Against the alternative between the status quo and nationalism, it is our aim, regardless of distinctions amongst groups, ecological, radical and socialists, to put in place a new project for Europe.
In the secular history of the European Left, several proposals were conceived as utopias and were instead realised. It happened when the progressive forces were able to place at the core of its vision the real needs of the people.
Today, Europeans don’t need walls or bureaucratic fences placed to the protection of the establishment but a network of values at the service of the collective interest. Without this, Europe risks disintegrating at the next inevitable crisis.
Source : euractiv