Les « Canada Papers » : un argument supplémentaire pour la « conditionnalité fiscale »

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Depuis l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, nombreux sont ceux qui, en Europe, chantent les louanges du Canada de Justin Trudeau, havre de paix dans un monde troublé. S’il est vrai que les deux voisins nord-américains s’engagent sur des voies clairement divergentes, les libéraux et conservateurs européens n’ont pas hésité à forcer le trait dans l’objectif de promouvoir l’Accord CETA entre l’UE et le Canada. Quitte à exagérer les vertus du Canada, constamment présenté comme un pays progressiste, proche de nos valeurs et coopératif sur la scène internationale.

Cette vision, pas dénuée de fondement mais excessive, a pris du plomb dans l’aile suite à la révélation, le 25 janvier dernier par le Toronto Star et CBC-Radio Canada, des « Canada Papers ». Sur la base des informations publiées par le Consortium international des journalistes d’investigation, et en s’appuyant sur des notes internes du cabinet Mossack Fonseca (au cœur du scandale « Panama Papers »), deux journalistes canadiens démontrent comment le Canada, malgré (et grâce à) son image positive, a encouragé l’implantation, sur son territoire, de coquilles vides, exonérées du paiement de tout impôt.

Plus précisément, le gouvernement canadien, tout au long des années 2000, a échafaudé un système opaque d’enregistrement des sociétés et de leurs bénéficiaires effectifs – très similaire, selon les journalistes à l’origine des révélations, à celui du Panama. Ensuite, le Canada a tissé une toile d’accords fiscaux (115 !), y compris avec des juridictions non-coopératives comme les Barbades ou les Îles Vierges britanniques, qui, sous couvert d’éviter la « double-imposition », ont bien souvent favorisé la « double non-imposition ».

Cette affaire démontre une nouvelle fois l’habileté des firmes transnationales face à la faiblesse coupable de certains gouvernements. Elle souligne la nécessité de re-réguler la mondialisation libérale, sous toutes ses formes – fiscalité, libre-échange – et dans tous ses aspects – justice sociale et fiscale, lutte contre le changement climatique, développement… Elle rend plus que jamais nécessaire une mesure que j’appelle de mes voeux (y compris dans le cadre d’un rapport récemment voté en commission du Commerce international contre le blanchiment d’argent) : la conditionnalité fiscale dans les accords commerciaux conclus par l’UE.

Une telle disposition forcerait les partenaires commerciaux de l’UE – comme le Canada – à respecter les engagements internationaux pris dans le cadre de l’OCDE ou du GAFI (échange d’informations fiscales, transparence sur les bénéficiaires effectifs des sociétés…), sous peine d’une suspension des préférences commerciales octroyées par l’UE. Il est pour le moins problématique de constater que le CETA demeure silencieux sur le volet fiscal, car il renforcera la concurrence entre des entreprises qui, on le voit, ne sont pas sur un pied d’égalité (même si cela existe également dans le marché intérieur européen). Surtout, en ne condamnant par les Canada Leaks, je regrette que l’UE renonce à utiliser le commerce comme un levier pour mettre fin à ces pratiques révoltantes.

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