Ces derniers mois, la droite et les libéraux n’ont pas eu de mots assez durs pour critiquer les élus qui, comme moi, font état de leur scepticisme quant à la façon dont la politique commerciale de l’Union européenne est menée. En commission du Commerce international, entre caricatures et envolées prétendument « anti-populistes », certains sont allés jusqu’à renvoyer dos-à-dos opposants du CETA et partisans de la Corée du Nord.
Je réfute ce type de contre-vérités. À ceux qui pensent faire preuve de modernité en défendant une vision éculée du libre-échange, je réponds que nous ne les avons pas attendus pour réfléchir aux contours d’une politique commerciale du XXIème siècle. Car face aux excès du capitalisme financier, face au réchauffement climatique, face à la crise démocratique, le business as usual n’est plus une option.
Au cours de mon mandat, j’ai modestement avancé quelques propositions pour réinventer notre façon de commercer : dans un rapport récemment voté, j’ai par exemple suggéré d’introduire le principe de « conditionalité fiscale » dans les accords commerciaux, que l’on peut résumer de la manière suivante : pas de préférence commerciale pour les champions de l’optimisation fiscale. J’ai également proposé à la commissaire Malmström d’envisager un « ISDS citoyen », c’est à dire un mécanisme, actionnable par les travailleurs, capable de sanctionner la violation par une Partie de ses engagements en matière de droit du travail. Bien évidemment, il reste du chemin à parcourir pour que les institutions se saisissent de ces propositions.
C’est justement sur cette même voie que vient de s’engager le Ministre-Président de la Région wallonne, M. Paul Magnette. Entouré d’une quarantaine d’éminents universitaires, dont les Français Thomas Piketty et Jean-Paul Fitoussi, il a dévoilé la « Déclaration de Namur » ((http://www.declarationdenamur.eu/) dont la doctrine est que le commerce, bien qu’utile, doit avoir pour unique vocation de servir des objectifs plus grands que le simple encouragement des échanges.
Malgré quelques angles morts (quel avenir pour le commerce agricole à l’heure des circuits courts ? quid de nos relations avec les pays en développement ?), la « Déclaration de Namur » multiplie les propositions concrètes : commande d’analyses d’impact contradictoires, rejet de la période dite « d’application provisoire » des accords, introduction d’objectifs climatiques dans les traités, recours aux juridictions nationales publiques pour les arbitrages, etc. Elle constitue en cela un axe fort de la réflexion sur l’avenir de la politique commerciale de l’UE, à laquelle j’entends activement participer au cours des prochaines semaines.