Jeudi 22 septembre 2016
COMMUNIQUÉ – Bahamas Leaks
Emmanuel MAUREL
Député européen
Membre de la commission des Affaires économiques et monétaires,
Membre de la commission d’enquête Panama Papers
Conflits d’intérêts et paradis fiscal : le scandale Kroes est total
Après Swissleaks, Luxleaks, et Panama Papers, les Bahamas Leaks allongent la liste des scandales d’évasion fiscale et de sociétés offshore, et la lumière des médias pourraient encore se porter sur des dizaines de territoires aussi bien à l’intérieur que hors de l’Union européenne.
Au coeur de celui-ci, Nelly Kroes étale son cynisme et le mépris de son mandat. L’ancienne Vice-Présidente de la Commission européenne ajoute à l’iniquité d’une Commission Barroso qui est déshonorée jusqu’au sommet depuis que l’ancien président José Manuel Barroso est parti conseiller Goldman Sachs, la banque à l’origine de tant de troubles financiers pour les pays européens.
Il faut bien prendre la mesure de ce cas qui n’est pas seulement un scandale fiscal de plus. Nelly Kroes était ancienne commissaire à la Concurrence, entre 2004 et 2009. Ce qui signifie, premièrement, que c’est elle qui était supposée poursuivre et combattre les accords fiscaux illicites entre les États et les multinationales ! En second lieu, c’est elle également qui a présidé à la libéralisation au forceps du marché de l’énergie, et notamment du gaz, de l’Union européenne. Or la société offshore aux Bahamas que dirigeait Nelly Kroes avec un homme d’affaires Jordanien et en association avec un autre businessman des Emriats Arabes Unis, était au service d’un plan de rachat gigantesque dans le secteur énergétique : 6 milliards de dollars du géant Enron. Nul doute que l’intérêt de ces hommes d’affaires, avec qui Mme Kroes était liée depuis 1994, représentait celui d’un secteur privé qui attendait beaucoup des privatisations dans le secteur de l’énergie en Europe.
La présence dans un paradis fiscal, le conflit d’intérêts manifeste, et le délit d’initié potentiel, font de ces révélations un scandale total. Les liens consanguins entre l’élite politique de l’Union européenne et l’oligarchie, entre les intérêts privés et les mandataires de l’intérêt général européens, étaient déjà bien connus, mais le cas Nelly Kroes en apporte une preuve dramatique, dont tout le monde se serait bien passé.
Mme Kroes doit répondre de ses actes, mais la Commission n’est pas la seule à interroger. Les États de l’Union européenne, qui freinent la lutte contre l’évasion fiscale à coup d’accords minimalistes, trouvés à l’unanimité, sont sommés de démontrer des progrès beaucoup plus grands dans la lutte pour la justice fiscale.