Par Emmanuel Maurel, Député européen, France, PS, Guillaume Balas, Député européen, France, PS, Dimitrios Papadimoulis, Député européen, Grèce, Syriza , Fabio De Masi, Député européen, Allemagne, Die Linke et Ernest Urtasun, Espagne, Verts
Ce mardi se tient la réunion de l’Eurogroupe qui va examiner la situation grecque. Plusieurs députés européens appellent la France et l’Allemagne à desserrer l’étau.
Un mémorandum a été signé avec la Grèce, en juillet 2015, contre la volonté initiale de son peuple. Le motif, exactement résumé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, c’est que «les choix démocratiques ne peuvent aller contre les traités».
Le gouvernement grec Syriza a démontré un courage politique exemplaire en mettant en œuvre rapidement le programme controversé tout en essayant de minimiser les effets sociaux dramatiques qu’on peut en attendre sur les Grecs à moyens et à faibles revenus. Une série de mesures sans précédent et souvent difficiles ont été prises, telles que la réforme administrative et de retraite, les changements dans les taux de TVA, et les privatisations. Dimanche 8 mai, le gouvernement a même obtenu de sa majorité parlementaire le vote d’un système de coupes automatiques dans les dépenses publiques lorsque le budget dévie des objectifs budgétaires. Une réforme qu’on n’imagine pas être imposée à la France ou à l’Allemagne.
Lorsqu’une partie exécute sa part du contrat, il est légitime qu’elle attende de l’autre partie qu’elle s’y tienne également. Or, les Etats de la zone euro, au fil des réunions de l’Eurogroupe, remettent à plus tard les décisions qui permettraient de trouver une solution durable à la crise en se reposant sur le prétexte spécieux de la «revue des réformes». En un mot, trop d’acteurs dans ce dossier veulent jouer la montre.
Le résultat est que la Grèce a été prise en étau entre des objectifs d’excédent budgétaire exagérés et irréalistes et la déflation alimentée par l’austérité. Avec cette incertitude, ainsi que le frein du manque d’investissement public et privé, il est impossible d’atteindre les objectifs convenus et de restaurer le potentiel de l’économie grecque. L’incertitude politique, la stagnation économique et le poids excessif de la dette ruinent la capacité de remboursement de la Grèce. Le pays est pris en étau, également, entre certains créanciers qui souhaitent tester les limites financières, sociales et politiques du pays et intimider les gouvernements de pays comme la France et l’Italie. Une Grèce, enfin, prise en étau géographiquement par des voisins qui bafouent sans complexe la libre circulation des personnes, érigent des frontières physiques et emprisonnent les réfugiés sur le sol hellène.
Aujourd’hui, comme à l’orée de l’été dernier, les incertitudes s’accumulent, autant pour les Grecs que pour les investisseurs qui attendent pour revenir que la situation se soit stabilisée. La situation, qui ne stagne pas mais s’aggrave, est une situation de blocus économique pour la Grèce où le contrôle des capitaux est toujours en vigueur. La chancelière allemande et le président français ont le pouvoir de mettre un terme à ces incertitudes, en donnant la validation de l’acquis et la poursuite du programme, afin qu’il arrive à son terme le plus rapidement. De lever le blocus économique de la Grèce !
Il faut souligner, enfin, à la lumière des éléments récents, que seuls 5 % des sommes prêtées à la Grèce ont été captées par le budget grec. Les 95 % restants ont servi à recapitaliser des banques à qui la Banque centrale européenne aurait pu épargner la panique et la fonte des liquidités qu’elles ont connues ainsi qu’à payer de retour les créanciers eux-mêmes, comme l’a rappelé encore récemment l’étude allemande publiée dans le Handelsblatt. Aussi serait-il politiquement aveugle, et économiquement irresponsable, d’abuser plus longtemps d’un droit que ces prêts ne donnent pas aux créanciers.
L’Union européenne doit elle-même beaucoup d’argent à la Grèce : tous les fonds structurels auxquels chaque pays a le droit et qu’on lui a refusés entre 2009 et 2014 au motif de l’absence de cofinancements, aggravant précisément l’absence de financements pour les projets grecs ; ou encore les bénéfices réalisés par la BCE sur la détention de titres de dette grecque pour ne citer qu’eux. Mais encore, indirectement, par l’exclusion de la Grèce des liquidités du programme d’assouplissement de la BCE pour des raisons arbitraires (la signature d’un mémorandum).
Chaque mois qui passe, en laissant le chômage abattre 5 jeunes sur 10 et une personne sur 4, chaque semaine qui passe, en laissant les voisins de la Grèce refouler les réfugiés sur une terre en crise, chaque jour de misère pour les 35 % de Grecs touchés par la pauvreté sont une hypothèque supplémentaire sur l’avenir de ce pays, qui augmente inexorablement le risque de fabriquer un Etat failli au cœur de l’Europe.
Face à la crise démocratique européenne, qui ne cesse de s’approfondir, le véritable populisme consiste à faire d’un peuple européen le bouc émissaire, en jouant l’avenir de l’Europe sur des intérêts particuliers.
Nous demandons à François Hollande et à Angela Merkel de prendre l’initiative d’actions substantielles pour rétablir la confiance et la soutenabilité de la dette et de l’économie grecques, qui se réforment en profondeur.
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