Par Agence Europe, Bruxelles, 10/05/2016
Les chefs de file des grands groupes politiques ont exhorté le Conseil, lors d’un débat en plénière sur l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine (MES) et le calcul des marges antidumping à l’égard du commerce déloyal chinois, mardi 10 mai à Strasbourg, de débloquer le processus de modernisation des instruments de défense commerciale, commencé en avril 2014.
La Chine n’est pas une économie de marché selon les cinq critères de l’UE, ont fait valoir la plupart des députés lors d’un débat avec le Conseil et la Commission sur la façon dont l’UE devra lutter contre la concurrence déloyale chinoise à l’expiration, le 11 décembre prochain, de certaines dispositions du protocole d’accession de la Chine à l’OMC, qui prévoit des changements dans son traitement – économie non marchande ou économie de marché – dans les enquêtes de l’UE en matière de défense commerciale.
Les députés ont donc exhorté la Commission à présenter rapidement son évaluation de l’impact sur l’industrie et l’emploi en Europe des trois options sur table et des propositions nouvelles pour lutter contre le dumping chinois, compatibles avec les engagements de l’UE à l’égard de l’OMC.
Trois options sont sur la table: – traiter la Chine comme une économie non marchande, au risque de s’exposer à un recours à l’OMC et à des représailles commerciales chinoises ; – retirer la Chine de la liste des économies non marchandes sans conditions, au risque d’exposer, sans filet de protection, l’industrie de l’UE à la féroce concurrence chinoise ; – retirer la Chine de la liste des économies non marchandes, mais en introduisant des mesures d’atténuation via un renforcement de l’arsenal antidumping de l’UE.
« Il est indéniable que la Chine n’est pas une économie de marché, quelles que soient les normes que l’on applique. La Commission travaille donc à une nouvelle approche pour la méthodologie antidumping dont les calculs refléteraient les distorsions dans l’économie chinoise de façon plus précise. Elle comprendra un système solide de défense commerciale et assurera la conformité avec les règles de l’OMC », a promis le commissaire Vytenis Andriukaitis, laissant entendre que cette approche pourrait être calquée sur celle des États-Unis, en calculant les marges de dumping au cas par cas. Le collège des commissaires débattra de cette approche « avant la pause estivale », une fois l’étude d’impact finalisée, a-t-il promis.
Face à la crise frappant le secteur européen de l’acier, victime des surcapacités chinoises, et face à la concurrence déloyale chinoise dans de nombreux secteurs industriels soutenus par l’État, les députés ont aussi sommé le Conseil de s’accorder enfin sur la proposition de modernisation des instruments de défense commerciale, mise sur la table par la Commission en avril 2013 et bloquée depuis décembre 2014 (EUROPE 11202) au Conseil, alors que le Parlement européen a pris position en avril 2014 (EUROPE 11063).
Ainsi, le président de la commission du commerce international, l’Allemand Bernd Lange (S&D) a pointé du doigt la « responsabilité première » du Conseil qui bloque la modernisation des instruments de défense commerciale. « Nous avons besoin d’instruments rapides et flexibles. Et la Commission doit proposer des méthodes de calcul antidumping alternatives » face au commerce déloyal chinois, a-t-il insisté.
Une coalition multipartite de 35 députés principalement issus des groupes S&D, ELDD, Verts/ALE, mais incluant aussi des députés PPE, ADLE et GUE/NGL, emmenés par les chefs de file du MES Action group – les Français Edouard Martin (S&D), Emmanuel Maurel (S&D) et l’Italien David Borrelli (ELDD) ont exhorté mardi la Présidence néerlandaise à « trouver un compromis mutuellement acceptable » sur la réforme des instruments de défense commerciale au Conseil, en particulier sur l’introduction de dérogations limitées à la règle du droit moindre (lesser duty rule) afin de donner à la Commission la possibilité d’imposer des droits correctifs jusqu’à la totalité du montant de la marge de dumping dans certains cas limités.
« La règle du droit moindre est un engagement unilatéral ‘OMC+’ que nos principaux partenaires commerciaux, tels que les États-Unis, n’appliquent pas. Cela conduit à davantage les distorsions du marché dommageables, car les divergences entre les régimes de l’UE et des États-Unis conduisent à un détournement important des échanges. Présenter des dérogations (qui seraient temporaires) à cette règle ne transformerait pas l’UE en une zone protectionniste. Cela assurerait un commerce plus équitable et contribuerait à restaurer une situation de concurrence équitable pour notre industrie », soulignent-ils.
Dans une prise de position publiée par le quotidien français La Tribune, une vingtaine de députés du groupe PPE, emmenés par l’Italien Antonio Tajani, les Français Alain Lamassoure, Frank Proust et Tokia Saïfi, ont reconnu qu’il était « impossible » aujourd’hui d’octroyer le MES à la Chine car elle ne respecte pas les cinq critères d’une économie marchande définis par l’UE, et compte tenu du risque pour des millions d’emplois en Europe. Ils plaident pour une approche « pragmatique » à l’égard de la Chine, exigeant la révision des instruments de défense commerciale de l’UE et l’instauration d’une « taxe supplémentaire » sur les produits issus du dumping chinois pour créer un fonds de soutien aux entreprises européennes qui leur permettrait de faire face aux mesures de rétorsion « prévisibles » du côté chinois en cas de non octroi du MES. (Emmanuel Hagry)