« À quelque chose malheur est bon », comme dit le proverbe. L’une des conséquences positives des Panama Papers est d’avoir placé sous le feu des projecteurs la fuite des profits des multinationales ; et la nécessité d’imposer une vraie traçabilité des flux financiers.
L’optimisation agressive des multinationales prospère sur l’opacité. C’est un phénomène coûteux pour le contribuable à deux titres : d’une part parce que les recettes publiques en sont affectées ; et d’autre part parce que le manque à gagner causé par les grands groupes pèse sur les PME et les ménages.
Il est donc positif de constater que sous la pression de la société civile et des députés européens, une première étape de transparence ait été proposée : le reporting pays par pays. C’est l’obligation pour les grandes multinationales de déclarer à l’administration fiscale, pays par pays, la nature de leurs activités, leurs effectifs, leur chiffre d’affaires, leur bénéfice avant impôts, les impôts dus dans cette juridiction, le montant d’impôt sur les sociétés acquitté par l’entreprise, et d’autres informations indispensables pour identifier l’évasion et l’évitement fiscaux.
Mardi 26 avril au matin, la commission Affaires économiques et monétaires du Parlement européen a voté cette nouvelle norme, ainsi que l’obligation d’échange des déclarations des entreprises, entre les États concernés dans l’Union européenne. Cela permet d’établir une surveillance multilatérale.
Le texte, proposé par la Commission européenne, ne visait que 10% des multinationales. Et il exempte toutes les autres de la transparence. Seuls les groupes dont le chiffre d’affaires net est supérieur à 750 millions d’euros devront se soumettre à cette mesure.
Comme je l’ai immédiatement souligné en tant que négociateur du groupe socialiste pour cette réforme, le seuil est beaucoup trop haut : il ne permet de couvrir que 2 000 – 2 500 entreprises européennes (les ONG sont unanimes sur ce point).
Ma première priorité a donc été de faire de cette transparence pays par pays une mesure universelle pour les grands groupes. En outre, l’ensemble des familles politiques ont soutenu, lors du vote de la révision de la directive Droits des actionnaires, un seuil d’application de cette norme à toutes les entreprises multinationales considérées comme « grandes entreprises » par la législation européenne, soit 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net et plus de 250 employés.
En outre, puisqu’il s’agit d’une mesure qui touche à la fiscalité, le Parlement européen n’est sollicité que pour avis. Dans ce cas, il est primordial que les parlementaires envoient des messages forts et se fassent pleinement le relai des attentes citoyennes.
Mais les groupes de droite en commission Affaires économiques ont refusé d’appliquer cette norme à la majorité des multinationales.
L’attitude des libéraux (groupe ALDE) a été particulièrement surprenante puisqu’ils avaient déposé, comme le groupe socialiste et les autres groupes de gauche, un amendement pour étendre cette transparence à toutes les « grandes entreprises » multinationales au sens de la loi européenne (40 millions d’euros). Or ils ont finalement, sous la pression des autres groupes de droite et des lobbys, choisi de voter contre leur propre amendement … empêchant, à quelques voix, le vote d’une transparence étendue à suffisamment d’entreprise pour être à la hauteur de l’enjeu.
Le Parlement européen, depuis deux ans, et jusqu’à la proposition récente de commission d’enquête sur les Panama Papers, s’investit chaque jour davantage sur le champ fiscal. Car la fiscalité est certes un attribut de souveraineté, mais elle est aussi un enjeu démocratique. Or, si nous voulons être crédibles, en tant que Parlement européen, face au Conseil, sur cette matière, il est évident que nous devons prendre nos responsabilités. Un signal politique doit être envoyé, et il doit être clair : les multinationales, toutes les grandes multinationales, et pas seulement 10% d’entre elles, doivent se soumettre au reporting pays par pays