Emmanuel Maurel, député européen PS, alerte sur cet autre traité commercial en cours de négociation dont l’objectif est de libéraliser les services.
Après le projet de Tafta (Trans-Atlantic Free Trade Agreement), traité de libre-échange transatlantique, vous vous opposez au «Tisa», de quoi s’agit-il ?
D’un nouveau projet de traité commercial international («Trade In Services Agreement») qui concerne 50 pays, dont les 28 de l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Australie… Le but de cet accord est de libéraliser l’ensemble des services pour cadrer avec le contexte actuel de la révolution numérique. C’est une directive Bolkestein puissance 10 !
Quels services seraient libéralisés ?
Tous ! Y compris les services publics – transports, hôpitaux, écoles… Par ailleurs, comme pour le Tafta, les négociations ont été lancées dans une opacité totale, en Suisse en mars 2010. Il a fallu des fuites sur WikiLeaks en 2014 pour que la Commission européenne soit obligée de rendre publics quelques éléments. Mais nous en sommes au 17e cycle de négociation et personne n’en parle.
Pourquoi la France réagit-elle sur le Tafta et pas sur le Tisa ?
C’est une négociation qui se tient hors cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ce n’est pas la France en tant que telle qui négocie mais l’UE.
Comme pour le Tafta. Comment expliquer que le gouvernement français ne s’alarme-t-il pas dès aujourd’hui ?
Parce que la négociation sur le Tisa est plus opaque, il y a moins d’intérêt immédiat. Le Tafta est plus compréhensible, plus visible. En face, ce sont les Etats-Unis et le modèle américain. Les Français comprennent les enjeux qui concernent notamment l’alimentation (poulet javellisé, bœuf aux hormones…). Pour le Tisa, il y a un travail pédagogique à faire, comme à l’époque de la directive Bolkestein, en 2005.
Que demandez-vous ?
D’abord, une révolution méthodologique : une transparence absolue. Ces sujets concernent la vie quotidienne des citoyens. On ne peut pas négocier comme ça dans leur dos. Ensuite, il faut garantir la protection des données personnelles, or nous n’avons aucune garantie sur le sujet. Il s’agit également de préserver les droits des Etats à légiférer. Par exemple, il existe dans cet accord des clauses qui rendraient irréversibles ces décisions de libéralisation : si un gouvernement libéralise le secteur de l’eau, un autre gouvernement élu ne pourrait pas revenir dessus. Je demande aussi à ce que les services publics soient exclus du champ de la négociation. Enfin, certains pays qui participent à ces négociations n’ont pas ratifié les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Tout le monde doit être à armes égales. Le Tisa est une bombe à retardement.
A retrouver sur le site de Libération
Photo Xavier Leoty.AFP