Publié sur le site des Echos le 03/02/2016
La question du statut d’économie de marché de la Chine fait débat. Entre deux options risquées, Bruxelles esquisse une troisième voie.
Non, l’Europe n’a pas l’intention de jeter les armes face au dumping chinois. Et elle le prouve sur l’acier. Tel est le message que tente de faire passer la Commission européenne, alors que le statut d’économie de marché qu’elle pourrait accorder à la Chine fait controverse. Ce dossier, devenu urgent, puisque la période d’attente de quinze ans suivant l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) touche à sa fin, s’est imposé comme l’un des plus épineux pour l’exécutif européen cette année. Ne pas accorder ce statut à Pékin, c’est s’exposer au risque de représailles commerciales. Mais opter pour la solution inverse ferait perdre de précieux outils de protection contre les exportations chinoises bradées, avec les conséquences industrielles et sociales que cela implique.
De ce bourbier, Bruxelles tente de s’extirper en esquissant une troisième voie. L’idée : faire preuve d’une fermeté constante vis-à-vis du dumping chinois, sans pour autant renoncer à la possibilité d’un acte politique fort vis-à-vis de Pékin. Cet exercice d’équilibre s’est illustré, récemment, avec l’annonce de nouveaux droits de douane provisoires allant de 9 % à 13 % sur des importations d’acier chinois utilisé dans le béton armé. De même, selon Reuters, la Commission pourrait imposer des droits sur les importations d’acier laminé, s’élevant à 16 %. Même si Bruxelles ne commente pas cette dernière information, un porte-parole en profite pour insister sur le fait que l’exécutif européen utilise « tous les instruments disponibles pour agir », en précisant que parmi les 34 mesures en cours pour protéger l’Europe sur l’acier, la grande majorité concernent des importations chinoises, auxquelles s’ajoutent six investigations toujours en cours.
Mais l’illustration la plus nette de cette recherche d’une solution intermédiaire a été l’audition, lundi, de la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström, devant le Parlement européen. Alors que les députés semblent majoritairement prêts à en découdre avec la Commission sur ce sujet, la Suédoise a, pour la première fois, commencé à abattre ses cartes. L’occasion pour elle de confirmer qu’une étude d’impact était en cours pour mesurer les conséquences qu’aurait l’accession de la Chine au statut d’économie de marché. Et que, à ce stade, les premières estimations de Bruxelles sont beaucoup moins alarmistes que l’étude, publiée en septembre, selon laquelle des millions d’emplois seraient en jeu. Pour Cecilia Malmström, ce calcul était erroné, car il équivalait à considérer que la Chine faisait du dumping sur tous ses échanges avec l’Europe, alors que ce ne serait le cas que pour 1,38 % des transactions. Le nombre d’emplois menacé se situerait plutôt entre 200.000 et 300.000, juge Bruxelles.
Députés dubitatifs
Surtout, Cecilia Malmström a évoqué la possibilité de changer de méthode de calcul pour les taxes antidumping appliquées au made in China. Le but : conserver des mécanismes robustes de protection, quand bien même l’accession au statut d’économie de marché serait entérinée. Il semble donc de plus en plus clair que, à ce stade, l’option préférée par Bruxelles consisterait à octroyer à Pékin ce statut tout en essayant d’en limiter les conséquences commerciales.
Un schéma qui laisse dubitatifs nombre de députés. « On sent la tentation du bricolage », estime Emmanuel Maurel (socialiste). De fait, il reste à voir comment, concrètement, mettre en oeuvre un tel programme, sachant que c’est parce que la Chine n’a pas le statut d’économie de marché qu’il a été possible d’appliquer des droits de douane substantiels…
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Crédits Photo : Kevin Lee/Bloomberg News