Un acharnement. Six mois après avoir été menacé d’une expulsion manu militari de la zone euro, le gouvernement Tsipras fait face à une nouvelle forme de chantage de la part de la droite européenne.
Si la Grèce ne respecte pas ses engagements en matière de protection des frontières extérieures de l’Union, disent la ministre autrichienne de l’Intérieur ou encore l’ancien eurodéputé français Joseph Daul, elle devra être exclue de l’espace Schengen. Très vite, des pays du groupe de Visegard, à l’instar de la République tchèque, leur ont emboîté le pas. Et certains évoquent à demi-mots la possibilité de mettre en œuvre un « mini-Schengen » qui regrouperait l’Allemagne, l’Autriche et les pays du Benelux.
Pointée du doigt, la Grèce est d’abord une victime de l’égoïsme des autres gouvernements
Depuis le début de la crise des réfugiés, le gouvernement grec – au même titre que le gouvernement italien – se singularise par des efforts remarquables pour accueillir dans des bonnes conditions les centaines de milliers de migrants qui arrivent sur ses côtes, le tout dans une situation géographique compliquée. C’est d’ailleurs dans le but de soulager ces pays, désavantagés par leur caractère frontalier, que la Commission européenne a décidé de mettre en œuvre un mécanisme de relocalisation des demandeurs d’asile, arrivés en Grèce et en Italie, vers le reste de l’Europe.
Depuis, pas grand-chose. Les migrants continuent de s’amasser sur les îles grecques… mais la responsabilité de cette situation incombe d’abord à ceux qui font tout pour empêcher un partage équitable du fardeau ! Car les pays qui pointent aujourd’hui du doigt le manque de volonté du gouvernement grec sont aussi ceux qui cherchent par tous moyens à enterrer le dispositif de relocalisation. Ou qui font preuve d’une complaisance gênante vis-à-vis de l’attitude ambiguë de la Turquie, qui ferme les yeux sur les réseaux de passeurs qui envoient vers l’Europe – où à la mort – des embarcations remplies de migrants.
Après le mémorandum, demander à la Grèce de mieux contrôler les frontières extérieures de l’UE…
En définitive, la droite européenne souhaiterait que la Grèce, avec ses nombreuses îles et ses frontières multiples, assure seule la gestion des frontières extérieures de l’Europe. Elle serait même prête à y proposer des alternatives farfelues et humiliantes, comme la mise en place de patrouilles à la frontière entre la Grèce et la Macédoine dans le but de cantonner les réfugiés sur le territoire grec et les empêcher d’entrer dans les Balkans – dont la plupart des États ne sont pas membres de l’Union européenne !
Ces prises de position publiques soulignent la volonté de certains d’étrangler, par tous les moyens possibles, le gouvernement Tsipras, coupable à leurs yeux de défendre l’idée d’une Europe à la fois juste et généreuse. Elles témoignent surtout d’une hypocrisie insupportable, alors même que les effets délétères du mémorandum imposé à la Grèce se font crûment ressentir sur ses capacités à contrôler ses frontières, qui sont aussi les frontières extérieures de l’Union. Absurde que cette Europe où, six mois après avoir donné un feu vert au démantèlement de l’État grec, certains dirigeants conservateurs appellent le gouvernement Tsipras à « respecter ses engagements », sans lui permettre de bénéficier de moyens adéquats… ni même respecter les leurs.