Paru dans LE PLUS de l’Observateur : pour les socialistes Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, et l’économiste Daniel Vasseur, un changement de politique économique est indispensable. Voici leurs propositions.
Dans ses vœux aux Français, François Hollande a déclaré le pays en “état d’urgence économique et social”. Malheureusement, les pistes annoncées par le président de la République pour y répondre ne permettent pas de relancer la machine économique.
Le patronat, qui avait promis 1 million d’emplois si le gouvernement mettait en place le pacte de responsabilité, reprend son offensive en exigeant maintenant la flexibilité de tous les contrats de travail, croyant pouvoir ainsi se dédouaner de ses responsabilités et masquer l’échec de ce pacte.
Moins de 24 heures après l’exigence du Medef relative au plafonnement des indemnités prud’homales, le gouvernement s’exécute déjà en lui promettant de le mettre en place pour tous les salariés de toutes les entreprises.
Nous proposons un plan de 12 milliards d’euros
Nous ne nous résolvons pas à continuer dans cette impasse que constitue la politique économique du gouvernement. Elle n’offre au mieux qu’un horizon de croissance faible, en dessous du niveau nécessaire pour faire reculer le chômage.
C’est bien une politique de relance qu’il nous faut maintenant engager. Nous proposons un plan de 12 milliards d’euros qui permettrait une croissance de plus de 2% en 2016 (1,5% prévu et 0,9% supplémentaire induit par ce plan) et de faire réellement reculer le chômage.
Ce faisant, la gauche se tournera ainsi résolument vers l’avenir et pourra envisager l’année 2017 forte d’une vraie stratégie économique et sociale proposée aux français.
Ce plan comprend :
1. Du pouvoir d’achat, immédiatement, pour ceux qui en ont le plus besoin
– L’augmentation du SMIC horaire brut d’un euro (environ + 10%)représenterait un gain mensuel de 100 euros et bénéficierait directement ou indirectement à 6 millions de salariés. Le SMIC n’est supérieur que de 150 euros au seuil de pauvreté et une telle amélioration répondrait à l’insuffisance de la demande, bien plus pénalisante pour les entreprises que la faiblesse de leurs marges.
– L’allongement de l’indemnisation du chômage, le renforcement du chômage partiel et le versement automatique de la prime d’activité pour qu’elle profite réellement à tous ceux qui y ont droit..
– Le rattrapage des prestations familiales sous condition de ressources (parents isolés,…) dont le niveau n’a pas suivi l’évolution des revenus et des besoins de la vie courante.
– La relance de l’impôt citoyen (barème unique de CSG quels que soit les revenus permettant de réduire cet impôt pour les plus modestes, restauration de la progressivité de l’impôt sur le revenupar la limitation des niches fiscales et des abattements au profit des revenus du capital).
La plus grande partie de ce pouvoir d’achat supplémentaire ira à la consommation, parce que les plus modestes épargnent peu, et au secteur productif français, car les importations ne représentent qu’une partie mineure de la consommation, contrairement à ce que l’on entend souvent.
2. De l’investissement : logement, transition énergétique, économie de la connaissance
– Relancer le bâtiment tout en répondant à une forte demande sociale (relance de l’aide à la pierre pour atteindre 150.000 HLM par an et prime d’accession sociale à la propriété).
– Accélérer la transition écologique (contrat État-Régions sur un programme de rénovation des bâtiments et le développement des énergies renouvelables, lancement de grands travaux comme un plan global d’électrification du parc automobile avec l’accélération du déploiement des bornes de recharge et du renouvellement des flottes publiques).
– Devenir une grande puissance de l’économie de la connaissance avec un programme de remise à niveau d’urgence des moyens de fonctionnement des universités et des institutions de la recherche publique, dont les équipements, les conditions de travail et le niveau des rémunérations ne sont pas aux standards internationaux ; et en lançant une allocation d’autonomie pour les étudiants. Création d’un haut-commissariat pour le digital et le numérique qui pourrait bénéficier d’une partie des fonds du livret A aujourd’hui captés par les banques.
2016 ne peut se limiter à la préparation de la présidentielle
Ce plan est entièrement autofinancé par le surplus de recettes fiscales induit par ce rebond de l’activité (12,2 milliards d’impulsion budgétaire augmentent le PIB de 21 milliards en appliquant le multiplicateur du FMI de 1,7 soit entre 0,9 et 1 point de PIB supplémentaire et 9,5 milliards de recettes supplémentaires en apposant le taux de prélèvement obligatoire de 45%) auquel nous ajoutons la reprise de certains cadeaux inutiles accordés aux entreprises comme la baisse de la C3S (1 milliard en 2016) ou l’annulation de la suppression de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés (2,5 milliards).
Nous estimons que 2016 doit être une année utile et ne peut se limiter à la préparation de l’élection présidentielle. En dépit d’un prix du pétrole bas et d’un euro faible, la conjoncture mondiale, la situation de l’Union européenne et de la France restent inquiétantes. En particulier, notre pays, dont la croissance a commencé à “décrocher” de celle de ses partenaires, ne saurait attendre un rebond de l’extérieur, la France a des marges de manœuvre qu’elle doit utiliser avec volontarisme.
Nous demandons au président de la République de prendre immédiatement des mesures à la hauteur de l’urgence et souhaitons que les forces de gauche et écologistes se mobilisent pour obtenir un collectif budgétaire en ce sens.