Alors que des millions de citoyens européens continuent de se mobiliser contre le Traité transatlantique en cours de discussion entre l’Union européenne et les États-Unis (TTIP/TAFTA), un autre accord commercial se négocie dans des conditions encore plus opaques. Ni salle de lecture sécurisée, ni accès, même restreint, à tous les documents détaillés issus des négociations, c’est peu dire l’Accord sur le commerce des services (ACS-TiSA), est entouré d’un épais voile de secret. Alors que les négociations du TiSA impliquent une cinquantaine d’États de tous les continents, les documents régulièrement révélés par Wikileaks constituent malheureusement la base de travail la plus sérieuse pour les parlementaires.
Pour ses promoteurs, le TiSA vise à définir de nouvelles règles communes pour maîtriser la mondialisation. Il semble toutefois que la réalité du TiSA, confirmée par les nouveaux documents diffusés par Wikileaks, s’apparente davantage à une entreprise profonde de dérégulation. Il s’agit en effet de réduire au maximum les barrières aux échanges de service – même si ces barrières constituent parfois des mesures d’intérêt public. La preuve ? La teneur et le contenu de documents portant sur les services environnementaux et les services énergétiques que Wikileaks s’est procurés.
Sur les services environnementaux, les propositions des parties (ici, celles du Canada) concernent des pans très importants de l’économie. Si certains sont spécifiquement exemptés, la proposition canadienne appelle par exemple à intégrer dans l’accord une libéralisation des services d’égouts, d’enlèvement des ordures ou encore d’assainissement.
Concrètement, cela signifierait qu’aucun État ne serait en mesure d’exiger le respect de certains critères (notamment de nationalité) par les prestataires de ces services environnementaux – le droit des parties à légiférer étant mollement affirmé. Par ailleurs, une fois l’accord signé, une clause dite de statu quo pourrait prévoir une impossibilité de retour en arrière pour les États signataires, ce qui pose de sérieux problèmes démocratiques. Sans parler de la « clause de la nation la plus favorisée », mentionnée dans la proposition canadienne, qui pourrait conduire à une harmonisation automatique de la réglementation nationale des parties vers le niveau le plus bas de régulation des services prévu par l’un des États signataires.
En matière énergétique, le contenu des propositions n’est guère plus rassurant : la notion de « service énergétique » est appréhendée de manière élargie, et le document évoque la possibilité d’une ouverture ambitieuse (c’est-à-dire déréglementée) des marchés énergétiques. À contre-courant de l’histoire, les négociations semblent donc s’engager un cran plus loin que les libéralisations menées ces dernières années, et dont les citoyens européens conservent un souvenir vif.
Il est nécessaire de rappeler que ce méga-accord commercial, s’il va dans le sens de certains intérêts particuliers, ne répond certainement pas au souci de protection des citoyens européens face à des accords dont, légitimement, ils ne comprennent pas toujours l’utilité. Le Parlement européen, qui va très bientôt se prononcer le TiSA à travers une résolution, doit poser de très solides garde-fous afin de rappeler les négociateurs à leur devoir de sauvegarder l’intérêt général.