Le 1er décembre dernier, la commission du Commerce international examinait les amendements déposés par les eurodéputés sur le projet de résolution visant à encadrer les négociations de l’Accord sur le commerce des services (ACS/TiSA). Ce vaste accord plurilatéral, actuellement négocié par la plupart des grands pays développés (Union européenne, États-Unis, Canada, Japon, Australie, etc.) est destiné à libéraliser le marché des services. Son champ d’application est donc presque infini. En plus des questions liées à la méthode employée pour organiser ces négociations (menées dans un niveau d’opacité comparable à celles du Traité transatlantique avec les États-Unis), je m’interroge sur la question du bien-fondé des négociations d’un méga-accord commercial qui, à mes yeux, soulève bien davantage de risques que d’opportunités.
C’est précisément pour interpeller mes collègues sur la justification d’un tel accord que je suis intervenu en commission INTA. En effet, face à ceux qui estiment qu’il faut une fois pour toutes « lever les barrières aux échanges », j’ai fait valoir que les citoyens européens étaient bien conscients des dangers qu’une telle dérégulation ferait peser sur leurs services publics et la capacité de leurs gouvernements à réglementer la mondialisation. La réalité est bien celle-ci : le TiSA vise davantage à déréguler qu’à réguler. C’est pourquoi le Parlement doit impérativement indiquer aux négociateurs les limites à ne pas franchir.
J’ai également mis face à ses responsabilités la droite européenne (coalisée autour des membres du Parti populaire européen et des conservateurs britanniques), qui a décidé d’introduire des amendements extrêmement dangereux, tentant ainsi de revenir sur des positions arrêtées en 2013 quand le Parlement a voté une très large majorité une résolution qui encadrait strictement le champ d’action des négociateurs du TiSA. Sur au moins trois points, leurs propositions fragiliseraient les services publics et culturels, et poseraient des problèmes démocratiques graves :
– Les services culturels : alors que les gouvernements européens, dans le mandat qu’ils ont adressé aux négociateurs de la Commission, ont demandé l’exclusion des services culturels et audiovisuels des négociations, la droite européenne a défendu des amendements pour cantonner cette dérogation aux seuls services audiovisuels. Deux ans plus tôt, ces mêmes députés avaient pourtant jugé « indispensable que l’Union européenne et ses États membres conservent la possibilité de préserver et de développer leurs politiques culturelles et audiovisuelles ».
– Les listes positives de services : la droite européenne s’est également clairement prononcée contre les « listes positives », un mécanisme qui permet aux négociateurs de lister, de manière limitative, les services qu’un État peut libéraliser ou ouvrir à des prestataires étrangers. Une telle posture est difficilement compréhensible puisque, en plus de contredire la résolution votée en 2013 par le Parlement dans sa grande majorité, elle rompt totalement avec la logique qui a toujours prévalu dans les accords de libéralisation des services comme le GATS.
– Les clauses de « statu quo » et de « cliquet » : pire encore, des députés conservateurs ont exhumé une proposition – l’introduction de clauses de « statu quo » et de « cliquet » – que l’on croyait que la contestation citoyenne avait définitivement enterrée. Ces dispositifs incarnent pourtant une négation même de la démocratie. La clause de statu quo empêcherait les États souverains de revenir sur des libéralisations ou des ouvertures à des prestataires étrangers prévues dans le TiSA, alors que la clause de cliquet pousserait plus loin encore cette logique : toute libéralisation postérieure au TiSA serait irréversible.
En commission parlementaire et en session plénière, je m’opposerai avec conviction à ces propositions dangereusement anti-démocratiques.