COMMUNIQUE DE PRESSE
Je me félicite que l’OCDE soit – enfin- parvenu à un accord après deux ans d’âpres négociations ; car il faut rappeler que le chantier BEPS dont il est question (pour « Base erosion and profit shifting » : Érosion de la base fiscale et fuite des bénéfices) a été ouvert en 2013.
Le plan de l’OCDE est un progrès à la fois symbolique et concret.
L’accord est symbolique, avant tout, puisqu’il signifie que 34 Etats ayant 34 politiques fiscales différentes se sont accordés sur des objectifs, et sur des mesures concrètes, afin de lutter contre l’érosion de l’assiette de l’impôt des sociétés et contre les pratiques fiscales déloyales. Un tel travail couronné d’un tel consensus était impossible il y a quelques années encore. J’y vois la preuve que la justice fiscale est au cœur de l’agenda politique.
Il est aussi pragmatique, car l’OCDE, en tant qu’ « incubateur de normes », diffuse des bonnes pratiques qui sont appelées, théoriquement, à devenir des références mondiales. L’immense majorité des conventions fiscales bilatérales suivent déjà le modèle de l’OCDE, je souhaite autant de succès aux propositions qui ont été adoptées aujourd’hui. Si elles parviennent à s’imposer comme des lignes directrices au niveau mondial pour chaque Etat, l’optimisation fiscale s’en trouvera certainement freinée.
Mais face aux multinationales, l’Union européenne doit prendre le relais
Contrairement à ce qui est relayé aujourd’hui, l’accord ne signifie pas que les Etats vont, sans attendre, mettre en oeuvre chacune de ses mesures et les inscrire dans la loi… J’aimerais souligner que l’OCDE ne produit que du « droit mou », ou soft law. D’un côté, cela permet d’avancer assez loin dans le consensus, comme le plan BEPS le prouve aujourd’hui ; de l’autre, cela limite la réalité législative à des mesures minimales, comme le niveau toujours très élevé des pertes fiscales le prouve !
Or, le travail que nous avons mené avec la commission spéciale TAXE du Parlement européen (sur l’optimisation fiscale agressive et les rescrits fiscaux) a révélé la puissance, la technicité et la détermination dont font preuve les multinationales et les grands cabinets de conseil pour maintenir leurs montages de contournement de l’impôt. C’est la raison pour laquelle seule une approche contraignante sera capable de venir à bout de certaines pratiques. Ce cadre doit être le plus large et le plus harmonisé possible : au niveau de l’Union européenne.
La situation est urgente car c’est un des principes fondamentaux de la démocratie qui est en jeu : l’égalité devant la contribution publique, l’égalité devant l’impôt. L’immense majorité des PME s’acquittent fidèlement et avec exactitude de leurs obligations fiscales, pendant que quelques très grandes entreprises multinationales font échapper des sommes considérables aux recettes publiques et s’acquittent de taux d’impôt parfois dérisoires ! La façon la plus simple et aussi la plus ambitieuse de pallier cette inégalité aujourd’hui, est de mettre en place le projet ACCIS : une assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés, complète (c’est à dire véritablement consolidée, s’appliquant au niveau du groupe) et obligatoire. Les Etats conserveraient la fixation du taux d’impôt, mais l’assiette de l’impôt serait calculée de manière uniforme dans toute l’Union pour éviter les montages d’optimisation agressive.