« La Grèce ne se rend pas, elle tend la main à l’Europe »

GreceLa droite européenne, furieuse qu’une alternative politique crédible lui tienne tête en Grèce depuis six mois, et lui oppose des réformes volontaristes d’investissement et de reconstruction du marché du travail, est aujourd’hui très prompte à parler d’une « capitulation » de la part d’Alexis Tsipras. Mais que dit le dernier plan de réformes proposé par les grecs ? En rien, il n’est une capitulation, pour au moins deux raisons.

La première, est qu’il reprend l’essentiel des propositions soumises le 26 juin aux créanciers. Or celles-ci avaient été repoussées à cette date. Certes, les concessions étaient proches des demandes de l’Eurogroupe transmises à la Grèce la veille, le 25 juin. Mais précisément, les créanciers n’ont, à aucun moment, pris d’initiative pour combler ce mince écart. La victoire écrasante au référendum de dimanche dernier ; le soutien, acquis par Tsipras, de l’ensemble des partis d’opposition de Grèce ; ainsi que le dépôt, avant toute nouvelle discussion technique, d’une demande de soutien durable au Mécanisme européen de stabilité, tous ces éléments ont instauré un rapport de force qui a permis qu’aujourd’hui, les dernières propositions grecques soient accueillies favorablement. Il reste évident que certaines concessions, comme sur les retraites, ont été de véritables sacrifices au programme politique du gouvernement grec. Mais elles ont été faites sous la pression financière de la BCE qui asphyxie son économie et la pression politique d’une Allemagne inflexible.

La seconde, elle est de taille, c’est que ce plan de réformes ne sera mis en œuvre que si la Grèce obtient deux engagements majeurs de la part des créanciers : le « plan d’investissement » évoqué par Jean-Claude Juncker (qui n’est autre que le déblocage des fonds structurels européens qui sont alloués à la Grèce) ; et, bien sûr, la renégociation de la dette. Tous les économistes s’époumonent à dire qu’une restructuration de la dette grecque est à la fois légitime, nécessaire et inévitable. La Grèce demande depuis le début des négociations que cette question soit centrale dans l’accord qui doit être trouvé. Et il revient au Premier ministre grec d’avoir mis à l’agenda politique cette restructuration. Complètement exclue il y a encore six mois, elle est désormais soutenue officiellement par le FMI, les prix Nobel d’économie, et l’urgence a poussé le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, à concéder qu’elle serait sans doute nécessaire !

Il est donc tout à fait inexact de parler de capitulation : il est très improbable que le Gouvernement grec accepte de mettre en œuvre le plan de réformes sans engagement des européens sur la dette. La Grèce doit sa situation actuelle précisément à une austérité dont les excédents budgétaires ne servent qu’à rembourser des échéances de plus en plus nombreuses et de plus en plus rapprochées. La priorité de cette négociation est de redonner du temps à la Grèce. Du temps pour ses réformes, du temps pour renouer avec la croissance, du temps pour panser les plaies sociales et humanitaires que la Troïka a ouvertes dans la société.

Car Alexis Tsipras a démontré magistralement, devant le Parlement européen mercredi dernier, sa lucidité face à la situation de l’Etat et de la société grecs, et sa solide détermination à y répondre, en traçant une voie propre, au sein de la zone euro. A cet égard, ma responsabilité de parlementaire européen, notre responsabilité de socialistes, est assurément de lui apporter notre soutien. Alexis Tsipras n’est pas un adversaire, bien au contraire, à la tête d’un petit pays de la zone euro, accablé par une dette et une récession inédite depuis l’euro, il est parvenu à tordre la logique libérale, austéritaire et antidémocratique qui prévalait pour gérer les crises des économies européennes.

Non, la balle n’est plus dans le camp des grecs, qui ont fait toutes les concessions possibles après avoir clarifié leur mandat auprès du peuple ! La balle est dans le camp de l’Europe dans son ensemble. Elle doit prouver maintenant que l’intégration européenne est un projet porteur d’avenir, qui approfondit nos liens par la solidarité.

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