Le Parlement européen a fait une erreur en reportant le vote crucial sur le traité transatlantique

INTA_23-02Le Parlement européen devait débattre et voter cette semaine du vaste partenariat transatlantique que négocie actuellement la Commission européenne avec les Etats-Unis. Connu sous le nom de TTIP, TAFTA ou GMT, il prévoit non seulement l’abaissement de quelques barrières douanières restantes, mais surtout, ce qui est beaucoup plus important pour la vie quotidienne des citoyens européens, l’harmonisation de normes industrielles, sanitaires, sociales, et environnementales entre l’Union et les Etats-Unis.

Jusqu’à présent, les négociations sont secrètes et le contenu des accords trouvés n’est accessible qu’à une minorité d’officiels européens. Il est essentiel que la seule instance démocratique de l’Union européenne, le Parlement, exprime sa position sur ce chantier dont toutes les études confirment que son bénéfice sera très faible pour les économies européennes.

Pourtant, en s’appuyant sur une procédure très contestable, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a imposé un report de ce vote, que les parlementaires, à l’unanimité, avaient inscrit à leur ordre du jour de cette semaine à Strasbourg ! Aucun motif de fond ne justifie pourtant un tel report, sinon la recherche d’un texte différent que celui que nous nous apprêtions à voter.

Je me désole de cette manœuvre; elle est l’aboutissement d’une obsession du compromis. Or, en tant que parlementaires européens, notre rôle n’est pas de chercher à voter une résolution à n’importe quel prix. Un texte creux et dépourvu d’ambition – notamment sur la question de l’arbitrage privé – serait le meilleur moyen pour la Commission de s’engouffrer dans la brèche en négociant un accord qui irait à l’encontre des attentes des citoyens européens.

Tout cela traduit de manière tristement fidèle l’ampleur des faiblesses de notre institution qui voue son salut à l’existence d’une « grande coalition », très efficace pour se mettre d’accord sur des questions techniques, mais terriblement incapable de prendre des positions ambitieuses là où les citoyens l’attendent.

La droite, elle, reste inflexible sur ses positions ultralibérales en matière économique et réactionnaire en matière sociale. La réforme des banques et la séparation des activités bancaires, la lutte contre l’optimisation fiscale via la déclaration des profits pays par pays, la protection des normes européennes et des services publics face à la libéralisation prévue par le TTIP, tous ces chantiers majeurs pour l’organisation de nos économies et de nos sociétés sont ralentis, et parfois enterrés, en raison de cet impossible rapport de force.

Or je souhaite au contraire que le traité transatlantique, parce qu’il affectera immédiatement les vies quotidiennes des citoyens et la capacité des Etats souverains à légiférer, mobilise les socialistes européens pour sortir de cette spirale d’affaiblissement politique. Pour ma part, je m’efforce de faire preuve de constance et de cohérence par rapport aux positions que le groupe socialiste a collectivement définies comme des lignes rouges sur ce traité : et notamment, le rejet inconditionnel des tribunaux d’arbitrage privés. Les eurodéputés de droite ont l’audace de pointer du doigt le « dogmatisme » des forces de gauche : tous les parlementaires qui refusent l’arbitrage privé dans le TTIP seraient extrémistes. Ai-je besoin de rappeler que ce mécanisme controversé a déjà été rejeté par : cinq commissions parlementaires saisies pour avis, des parlements nationaux et régionaux, comme le Sénat français ou le Parlement Wallon, mais surtout, par 97% des citoyens interrogés lors de la consultation publique de la Commission européenne ?

Je crois que lorsque nos positions sont à ce point soutenues par les citoyens européens, il n’existe pas de motif valable pour manquer de fermeté. Plutôt que la recherche du consensus, c’est ce mandat-là qui nous gouverne.

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