Sur l’ISDS, pas de règlement de nos différends avec la Commission

Le 6 mai dernier, la commissaire Malmström a présenté devant les députés de la commission Commerce international du Parlement européen un éventail de propositions censé dissiper les craintes exprimées par un nombre croissant de citoyens européens quant à l’inclusion du mécanisme dit d’ISDS (règlement des différends entre investisseurs et États) dans le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Loin d’y parvenir, la Commission européenne souligne encore un peu plus combien elle a des difficultés à répondre aux attentes des Européens.
La consultation publique que la Commission a organisée en décembre 2014 avait débouché sur un résultat très net : 97% des 150 000 personnes à s’être manifestées (ONG, entreprises ou simples citoyens) s’étaient prononcées contre l’inclusion d’un système d’arbitrage privé des différends entre investisseurs et États dans le TTIP. Le signal envoyé semblait suffisamment clair, mais la Commission, fidèle à sa conception particulière de la démocratie, a préféré persister sur la voie de l’arbitrage privé.

Commission-euroDans l’esprit de la commissaire Malmström, si les citoyens ont massivement rejeté l’ISDS, c’est d’abord parce qu’ils n’ont pas compris de quoi il s’agissait. Elle a certes concédé que l’ISDS « ancienne génération », trop favorable aux investisseurs, n’était « pas adapté aux réalités du XXIème siècle », mais le projet de refonte qu’elle a présenté devant les députés affiche toutes les caractéristiques d’une réforme cosmétique. Non seulement le système alternatif qu’elle prône ne répond pas aux défauts structurels de l’arbitrage privé, mais la commissaire se montre surtout incapable de prouver la plus-value de l’ISDS dans le cadre d’un accord Union européenne – États-Unis.

La commissaire dit vouloir protéger le droit des États à réglementer, notamment face à certaines multinationales désireuses d’obtenir compensation si une disposition d’intérêt public s’avère défavorable à ses intérêts économiques. Or, nous considérons que le meilleur moyen de s’assurer que les États puissent favoriser en toutes circonstances l’intérêt général n’est certainement pas de leur faire courir le risque de se faire poursuivre par des entreprises devant des tribunaux privés. De tels tribunaux ont prouvé par le passé qu’ils n’avaient pas de scrupule à faire payer à des États souverains des centaines de millions d’euros de réparations pour atteinte aux intérêts des investisseurs.

Le simple fait de mentionner timidement le « droit des États à légiférer » ne suffira pas non plus à effacer le risque réel que certains États soient dissuadés de légiférer par l’existence d’un mécanisme d’ISDS. Je pense par exemple à la Nouvelle-Zélande qui a renoncé à mettre en œuvre une loi offensive sur le tabac, dans l’attente de l’issue du procès intenté par Philipp Morris à l’Australie, coupable aux yeux du géant américain d’avoir mis en œuvre une loi introduisant les « paquets neutres ».

Manifestement, la Commission se plait à cultiver l’ambiguïté. Tout en promettant la création « à moyen terme » d’un tribunal international public de règlement des différends, elle ne remet aucunement en cause le mécanisme d’ISDS sur le court terme. La commissaire ne s’est même pas prononcée clairement en faveur de l’inclusion dans l’accord d’une clause d’extinction (« sunset clause ») qui supprimerait automatiquement la possibilité de recours à l’ISDS une fois le tribunal permanent instauré. Sur ce point, comme sur les autres, on peut déplorer que les investisseurs étrangers bénéficient d’un traitement de faveur exorbitant par rapport aux citoyens, qui leur permet d’outrepasser les tribunaux nationaux et d’avoir un accès direct à des juridictions supranationales.

Pourtant, tant l’Union européenne que les États-Unis possèdent de toute évidence des systèmes juridiques complètement fonctionnels, indépendants et efficaces qui ne justifient en rien l’introduction d’un mécanisme d’ISDS. Les États-Unis et les pays de l’Union européenne entretiennent depuis des années des relations commerciales bilatérales très étroites, le tout alors qu’uniquement un quart des États-membres ont signé un ISDS avec les USA. Dans ce contexte, la commissaire Malmström devrait avant toute chose s’employer à nous convaincre de l’utilité d’une clause d’arbitrage privé – « réformée » ou non.

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