Après cinq années de régression humaine en Europe, en finir avec l'austérité !

En dépit de l’obstination des dirigeants conservateurs de l’Union européenne, les preuves de l’échec patent des politiques d’austérité s’accumulent au fil des mois. La dernière en date, une étude comparative des services du Parlement européen, souligne le désastre social, et même humanitaire, auquel ces réformes aveugles conduisent immanquablement.

vignette1Cela fait un certain temps que les eurodéputés progressistes rappellent que l’austérité imposée aux États européens en difficulté s’avère totalement dépourvue de légitimité démocratique. La Troïka, comme l’a prouvé l’excellent rapport de Liem Hoang Ngoc, s’est grossièrement immiscée dans les affaires internes des États en crise, au mépris total de la souveraineté de leurs choix politiques. Seuls des parlements sous pression de l’Union européenne, assiégés par leurs propres citoyens – comme ce fut le cas en Grèce, ont signé les désormais fameux “memoranda”.

De longue date, nous déplorons l’absurdité des mesures d’austérité, qui plus est en période de crise. Pourtant, les économistes les plus orthodoxes, de moins en moins nombreux mais relayés aujourd’hui encore par la Commission, sont persuadés que l’austérité est un sacrifice nécessaire. Et tant pis si plusieurs Prix Nobel d’économie dénoncent avec virulence l’impasse dans laquelle nous mènent les tenants de la rigueur. Tant pis également si, pendant que les ménages voient leur pouvoir d’achat couler, des entreprises multinationales continuent d’échapper à l’impôt, avec la complicité coupable des autorités nationales et européennes. Tant pis, enfin, si des institutions aussi libérales que le FMI et l’OCDE ont mis en garde la Commission contre les risques d’une discipline budgétaire aveugle.

Enfin, nous avions annoncé, mes collègues et moi-même, des ravages sociaux et humains inévitables. Ces craintes ont été plus que confirmées par l’étude du Parlement européen qui a été publiée le 25 mars dernier. Cette analyse, menée dans sept pays de l’Union diversement touchés par la crise (Belgique, Chypre, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Portugal), montre que les politiques dites de “consolidation budgétaire” ne se contentent pas de détricoter les acquis sociaux des citoyens européens. Elles vont jusqu’à fragiliser leurs droits fondamentaux les plus élémentaires.

Données chiffrées à l’appui, les auteurs du rapport (des fonctionnaires du Parlement européen) constatent des atteintes manifestes aux droits à l’éducation, à la santé, au logement, à la justice, mais aussi à la liberté d’expression ou d’information. Certaines observations reflètent, de manière funeste, la régression sociale et humaine qui touche ces pays, notamment en matière d’éducation ou de santé. Les salles de classe grecques ne sont quasiment plus chauffées. En Espagne, en 2012, plus de 570 000 personnes étaient dans l’attente d’une opération chirurgicale, et à Chypre, le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous dans un hôpital public atteignait sept mois. En Grèce, près de la moitié des hôpitaux publics ont été fermés, les dispensaires locaux, autogérés, peinent à prendre le relai, et la malaria a réapparu après quarante ans d’absence après que les programmes locaux de distribution de sprays anti-moustiques aient été rabotés. L’accès au logement a été largement fragilisé dans la plupart des pays étudiés, à tel point que l’Irlande a connu une augmentation de 60% du nombre de ses sans-abris entre 2008 et 2011. À ce prix, l’injonction générale à “se serrer la ceinture” ressemble fort à un doux euphémisme.

Pire, à une période où les inégalités économiques et sociales atteignent un niveau révoltant, les politiques d’austérité frappent en priorité les plus démunis, les plus vulnérables. Il en va ainsi dans le domaine éducatif où, dans de nombreux pays, les services accordés aux élèves handicapés ont été purement et simplement sacrifiés. Au Portugal et en Espagne, les zones rurales s’assimilent de plus en plus à des déserts médicaux. En Irlande et même en Belgique, nombre de citoyens n’ont plus les moyens financiers d’accéder à la justice. De manière générale, les droits fondamentaux des étrangers, des migrants et des demandeurs d’asile sont mis en péril. Il est donc urgent de tourner le dos à cette politique qui, non seulement, n’obtient pas de résultats économiques convaincants (croissance atone ou récession, chômage de masse), mais renie en outre des décennies de progrès social et humain en Europe. Partout où la Troïka est passée, le chômage a augmenté, la dette s’est accrue et les inégalités ont explosé. Des populations ont été pointées du doigt, rendues responsables d’un déficit qu’elles n’ont pas créé. La confiance dans les institutions a été minée et le projet européen décrédibilisé.

Depuis l’intronisation de Jean-Claude Juncker, la Commission semble avoir quelque peu changé de ton. Pour autant, M. Juncker doit encore faire ses preuves. Il ne peut pas se contenter d’un Plan d’investissement qui, bien que bienvenu, demeure franchement insuffisant. Il lui faudra prendre de vraies mesures pour lutter contre l’évasion fiscale, qui met bien davantage à l’épreuve les finances publiques que ne le font les dépenses d’éducation, de santé ou de sécurité sociale. Surtout, face à l’échec total des politiques menées depuis cinq ans, rompre radicalement avec le dogme austéritaire que la Commission a imposé à toute l’Europe est une nécessité. En Grèce notamment – où le “groupe de Bruxelles” s’est substitué à la Troïka – il s’agira de se montrer la hauteur de l’urgence humanitaire. Et s’engager sur la voie d’un changement qui ne soit pas simplement sémantique.

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