Article paru sur Euractiv.fr. L’accès à l’éducation et aux soins est fragilisé dans les pays d’UE où des plans d’austérité ont été mis en place. Si la Grèce offre l’exemple le plus dramatique, l’Espagne, l’Irlande ou l’Italie ont également été affectées, selon un rapport du Parlement européen.
L’impact de la crise économique, et des différents plans d’austérité adoptés dans la foulée pour réduire les dépenses dans plusieurs États de l’UE ont eu des conséquences importantes pour les droits fondamentaux. Le Parlement européen vient de remettre une étude comparative à la commission Libertés civiles, justices et affaires intérieures sur le sujet, qui révèle une détérioration certaine des droits comme l’accès à l’éducation, la santé ou même la justice dans les sept pays étudiés.
Menée en Belgique, à Chypre, en Grèce, en Irlande, en Italie, au Portugal et en Espagne, l’étude montre une détérioration importante de l’accès à l’éducation, aux soins ou à la justice.
L’offre d’éducation systématiquement réduite
En matière d’éducation, le nombre d’enseignants a baissé dans tous les pays concernés, alors que le nombre d’élèves augmentait. Les services liés à l’école ont aussi régressé : certaines écoles en Grèce ne sont pas chauffées, alors que les standards d’hygiène ne sont plus respectés en Italie. En Espagne, les coupes dans les budgets auraient déjà un impact sur le niveau scolaire : en l’absence de fournitures et de livres adéquats, la capacité des élèves à étudier serait fortement inégale.
En Grèce, certaines écoles ont été supprimées ou fusionnées, ce qui rend l’accès à l’école plus compliqué pour certaines populations notamment les Roms.
Les coûts de santé transférés de l’État au citoyen
En matière de santé publique, « les accords du sauvetage de la dette du pays ont transféré le coût de la santé de l’État au patient, avec une augmentation importante des tarifs de consultations et des médicaments » constate le rapport, ce qui a entraîné toute une série de conséquences dommageables pour la population.
Outre la hausse du nombre de suicides, estimée à +45 % entre 2007 et 2011, considérée comme une conséquence indirecte, la santé des enfants est aussi affectée. Selon les dernières données, le nombre de bébés nés avec un poids insuffisant a augmenté de 19 % entre 2008 et 2010, alors que le nombre de morts à la naissance a progressé de 21 %. La chute de la mortalité infantile s’est arrêtée, pour s’inverser, et progresser de nouveau de +43 % entre 2008 et 2010.
Parmi les difficultés d’accès aux soins, les temps d’attente ont explosé, pour atteindre 7 mois pour un rendez-vous dans un hôpital public à Chypre ; en 2012, 570.000 personnes étaient sur des listes d’attente pour des opérations chirurgicales en Espagne, contre 480.000 en Irlande
Un constat relayé par la revue The Lancet, qui souligne dans un article que « la réponse principale du gouvernement grec et des institutions internationales a été le déni » . L’article cite l’exemple inverse de l’Islande qui, confronté aux conseils du FMI après la crise financière de 2008, a opté pour maintenir les politiques de santé existantes.
En février dernier, un rapport de l’organisation Caritas rendait compte de la hausse des inégalités en Europe, confirmant que le recul de l’offre de soins affectait surtout les plus pauvres.
>>Lire : la pauvreté infantile s’envole en Europe depuis 2008
Accès à l’emploi, à la retraite et à la justice remis en question
Les mesures d’austérité ont également eu des conséquences en matière d’emploi et de paiement des retraites.
La crise économique a détruit environ 50 millions d’emplois, alors que 80 millions de nouveaux candidats arrivaient sur le marché du travail, ce qui a mécaniquement augmenté les taux de chômage dans les pays concernés.
Les systèmes de retraite ont aussi été atteints : la Belgique, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont augmenté l’âge de départ à la retraite, tandis que la plupart des pays réduisaient le montant des retraites. En Grèce, les retraites ont été amputées de 20 à 40 % de leur montant selon l’âge et le statut des retraités.
Eviter les coupes budgétaires horizontales
Enfin l’accès à la justice a été également été affecté par les mesures de rigueur. Les aides juridiques ont été supprimées, la TVA s’est invitée sur les frais d’avocat en Belgique et en Grèce. Le rapport se penche aussi sur la liberté d’expression et le droit de manifester, notamment contre les mesures d’austérité. Les manifestations ont surtout concerné la Grèce, où l’utilisation excessive de la force a été dénoncée par Amnesty. Et en Grèce toujours, de nombreuses manifestations ont été interdites, notamment lors de visites de dignitaires étrangers.
Globalement, de nombreux droits fondamentaux ont été amputés depuis la crise, y compris des droits connexes comme l’accès au logement ou à la propriété.
Le rapport termine sur des recommandations sur la marche à suivre dans le futur. « Il apparaît rarement que la réduction des dépenses publiques s’est spécifiquement concentrée sur des dépenses inutiles de l’État. Au contraire, les mesures imposées ont été systématiquement horizontales, entraînant des coupes indifférenciées dans les politiques » regrettent les services du Parlement européen. L’exemple de la suppression de la télévision publique grecque représente une mesure horizontale particulièrement dangereuse, dont l’efficacité est aujourd’hui remise en question. La Parlement européen appelle par conséquent à une augmentation des surveillances des plans d’austérité, notamment par le médiateur européen.
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