Le Parlement européen a validé aujourd’hui en session plénière à Strasbourg la composition du collège des commissaires proposé par Jean-Claude Juncker et les attributions respectives de ses membres. Ce vote important, qui intervient à l’issue des auditions des commissaires désignés par les eurodéputés, marque l’entrée en fonction, le 1er novembre prochain, du nouvel exécutif européen.
Comme une partie du groupe S&D, j’ai jugé qu’il ne m’était pas possible d’apporter ma voix à cette Commission.
Les interventions des commissaires désignés par M. Juncker devant les députés européens qui se sont succédées ces dernières semaines à Bruxelles n’ont pas permis de dissiper les fortes inquiétudes que l’on pouvait avoir sur les personnalités choisies par les 28 États mais aussi les portefeuilles qui leur ont été attribués par l’ancien Premier ministre luxembourgeois. On a vu souvent des commissaires désignés pour des responsabilités cruciales se réfugier dans les généralités sans répondre aux questions précises des élus. Enfin, il est impossible de passer sous le silence le choix très controversé de commissaires connus pour des engagements passés clairement contradictoires avec les valeurs de l’Union (le hongrois Navracsics) ou flirtant avec le conflit d’intérêt (l’espagnol Cañete).
En ce qui concerne la commission INTA, l’audition de Cecilia Malmström a montré que la nouvelle équipe s’inscrit dans la continuité de la précédente. Cette conception presque naïve du libre-échange, forcément synonyme de croissance retrouvée et d’avenir radieux, laisse sceptique celles et ceux qui, comme moi, mesurent les menaces que certains accords commerciaux font peser sur l’industrie européenne et ses salariés.
Si la compétence de la commissaire suédoise n’est pas en cause, ses réponses montrent clairement que Juncker ne compte pas revenir sur le mécanisme de règlement des différends très contesté (ISDS) dans l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA) et, même si sa position marque un progrès, elle reste ambiguë quant à son inclusion dans le traité transatlantique en cours de négociation avec les États-Unis.
Plus globalement, il me semble que la Commission Juncker ne tient pas compte des messages envoyés par les électeurs lors des dernières élections européennes. Si le style Juncker diffère de celui de Barroso, l’orientation politique du nouvel exécutif, en dépit des efforts louables des socialistes, reste imprégnée d’une idéologie qui a menée l’Europe dans une impasse économique et sociale
Certes, il y a la promesse faite par le nouveau Président d’un plan de 300 milliards d’euros d’investissement : mais, en l’état, rien n’indique que ce plan verra le jour. Le risque est que cette annonce rejoigne le cortège des promesses non tenues, des 120 milliards du « pacte de croissance » censé avoir été la contrepartie en 2012 de la ratification par la France du TSCG à la « garantie jeunesse » dont la mise en place avait été présentée en 2013 comme un instrument décisif de lutte contre le chômage des jeunes d’Europe.
Alors même qu’en réalité l’Union européenne reporte aujourd’hui le paiement de ses factures d’une année sur l’autre faute d’un budget suffisant pour faire face à ses engagements, ces hypothétiques 300 milliards ne pouvaient suffire à justifier un blanc-seing au collège de commissaires qui nous était présenté.
J’entends ceux qui disent « c’est mieux que si c’était pire ». Mais j’estime que ce n’est pas la réponse adaptée à l’urgence du moment.
C’est donc en cohérence avec mon vote contre Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission en juillet dernier que je me suis prononcé.
Alors que l’enjeu de la législature 2014-2019 est bien de savoir si nous parvenons à redonner un sens au projet européen pour les citoyens des pays membres de l’UE, j’estime rester ainsi fidèle à mes engagements pris devant les électeurs. C’est en effet le programme socialiste de réorientation de la construction européenne qui m’a permis de devenir eurodéputé et je ne retrouve pas à l’heure actuelle l’objectif de relance économique et de justice sociale dans la feuille de route de la Commission Juncker.