Mes chers Camarades, nous pouvons réussir ce quinquennat. Nous devons réussir ce quinquennat. Nous le devons à celles et ceux qui nous ont fait confiance en 2012, nous le devons à notre pays. La question qui nous est posée aujourd’hui, et qui n’est pas seulement posée au président ou au premier ministre, mais à nous militants socialistes, c’est : « prenons nous le bon chemin pour réussir le quinquennat? ». Et si, à cette question, nous répondons par la négative, il nous revient d’imaginer ensemble, et avec d’autres, quel est le bon chemin, l’autre chemin.
Vous le savez, depuis le début du quinquennat, nous sommes quelques-uns à défendre l’idée qu’il y a un autre chemin, qu’il y a une alternative a la politique qui est actuellement menée, une alternative qui permette de rassembler la gauche plutôt que de la fracture durablement. Une alternative qui est tout aussi réaliste que la politique de l’exécutif, et qui peut être, j’en suis persuadé, est largement plus efficace.
Qu’il n’y ait pas de faux débat entre nous. Il n n’y a pas, d’un côté, ceux qui auraient le courage de regarder la réalité en face, et de l’autre les idéologues aveugles aux évolutions et à la complexité du monde.
Il n’y a pas non plus d’un cote les réformistes et de l’autre les « conservateurs ». Nous sommes tous réformistes. Mais il ne suffit pas de sauter comme un cabri en disant « la réforme ! La réforme ! La réforme. Ce qui compte, c’est le contenu de celle-ci, l’intérêt qu’elle peut avoir pour les Français, et singulièrement pour notre base sociale.
Tout le monde sait que la confrontation avec la réalité est difficile, que les contraintes sont multiples, que l’exercice du pouvoir, comme dirait le président de la république, ce n’est pas simple.
Mais un tel écart entre ce que nous avions promis pendant la campagne et ce que nous faisons aujourd’hui, une telle distorsion entre les mots d’hier et les mots d’aujourd’hui (ça a son importance les mots), une telle distance entre les mots d’hier et les actes d’aujourd’hui, ça, nos électeurs ne le comprennent pas.
Et ils ne comprennent pas non plus cette politique de fuite en avant, qui marie trop souvent improvisations et provocations. Quel est l’intérêt des dernières déclarations récentes du ministre de l’économie sur l’assurance chômage, si ce n’est blesser un peu plus celles et ceux qui nous ont fait confiance en 2012 ?
Puisqu’il parait que les états généraux du PS nous invitent à nous interroger sur notre identité, commençons par répondre à ces questions :
Sommes-nous à ce point perdus qu’il faudrait reprendre à notre compte les analyses et les mots de ceux que nous combattons depuis des décennies?
Sommes-nous à ce point perdus que nous prenions désormais modèle sur les sociaux libéraux des années 90 qui sont démodés depuis longtemps. Blair et Schröder c’était il y a vingt ans!
Avons-nous à ce point perdu confiance dans la France pour chercher sans arrêt des modèles ailleurs? Des modèles qui sont loin d’être exempts de tout défaut?
Je nous invite à méditer ce paradoxe : ce que nous appelons « l’aile gauche » devient le premier défenseur du programme présidentiel qui était pourtant loin d’être maximaliste et il n y a guère que les comiques, les esprits paresseux qui ne nous lisent pas, ou les camarades de très mauvaise foi (mais je n’en connais aucun) qui considèrent que nos propositions sont d’une radicalité qui défrise.
Jugez plutôt : dire que la réduction à marche forcée des déficits publics dans un contexte de croissance faible contribue à comprimer l’activité, et donc à aggraver la récession, même les experts du FMI le reconnaissent aujourd’hui.
Dire que la baisse des dotations aux collectivités locales menace gravement l’investissement public à un moment ou la France n à jamais autant eu besoin d’investir pour préparer l’avenir, c’est ce que nous disions tous quand Sarkozy était au pouvoir. Nous le disions et c’était juste.
Expliquer que la baisse et le raccourcissement de la durée de l’indemnisation du chômage ne produira aucun emploi supplémentaire mais n’aura que comme seule conséquence l’appauvrissement des demandeurs d’emploi, tous les candidats aux législatives de 2012 l’ont martelé contrer la droite. Et je pourrais dire la même chose sur la hausse de TVA sociale, le contrôle des chômeurs ou la suppression ses seuils sociaux.
Chers Camarades, voilà pourquoi nous demandons un congrès rapide. Vous parlez de clarification, et vous semblez penser que la politique qui est aujourd’hui menée agrée aux militants et aux adhérents. Je n’en suis pas si sûr. En tout cas, au moment ou le gouvernement s’apprête à couper dans les dépenses sociales et dans les dépenses publiques, j’ai envie de dire, et d’autres camarades avec moi : vous ne pouvez pas faire cela en notre nom ! Pas en notre nom !
Je le disais, nous vous voulons emprunter un autre chemin. Nous avons écrit un petit document qui fourmille de propositions. Et Jérôme Guedj vous présentera quels sont les quatre sujets majeurs de la discussion budgétaire sur lesquels nous entendons aujourd’hui faire des propositions concrètes et réalistes.
Mais je voudrais terminer sur deux questions qui ont été largement abordées ce matin.
L’Europe
Nous devons assumer une forme de confrontation au niveau européen. Nous ne l’avons pas fait en 2012, et c’est en quelque sorte le péché originel de ce quinquennat puisque nous nous sommes mis dans la seringue du pacte de stabilité budgétaire. Mais ce n’est pas trop tard. Nous n’avons pas vocation à être le mauvais élève penaud, contrit, d’une commission qui ne sera jamais satisfaite de nos efforts. Alors plutôt que de baisser la tête, assumons : le pacte de stabilité budgétaire est une aberration en période de déflation.
La meilleure défense c’est l’attaque : ce n’est pas que nous ne pouvons pas respecter les critères budgétaires, c’est que nous ne voulons pas ! Défendons un autre chemin en Europe. Le président l’a dit maintes fois : la réorientation de la construction européenne, c’est sa priorité. Au moment où l’Allemagne elle-même commence à constater que la politique qu’elle entend imposer aux autres contribue à ralentir l’activité économique, que sa demande intérieure s’effondre, il faut saisir cette opportunité pour renverser la table.
Le rassemblement de la gauche
Chacun y fait allusion mais il faut mesurer concrètement ce que cela signifie. J’entends des camarades expliquer que la « clarification » est plus importante que l’union. La clarification par le vide et la défaite, c’est une impasse stratégique. Mais si le rassemblement n’est qu’un cartel électoral, circonstanciel, ça ne marchera pas non plus : les électeurs ne suivront pas. Si nous voulons vraiment rassembler la gauche, il faut s’en donner les moyens ; élaborer un nouveau pacte majoritaire. Cela suppose des inflexions ; je dirais même une vraie réorientation. Cette réorientation, elle est nécessaire, elle est indispensable.