Marie-Noëlle Lienemann Sénatrice de Paris et ancien ministre, Emmanuel Maurel Député Européen, Jérôme Guedj Président du Conseil général de l’Essonne et les membres du Bureau National du PS de Maintenant là Gauche ont fait parvenir ce jour une lettre ouverte au Premier Ministre Manuel Valls.
Ils lui demandent dans cette lettre la suspension immédiate du pacte de responsabilité, d’une part au regard des prévisions concernant le chômage et la situation économique de notre pays et d’autre part suite à la décision du conseil constitutionnel.
Ils mettent en garde le gouvernement contre les tentatives de régler le problème de la censure des baisses de cotisations salariales par une énième mesure technique alors même qu’une réforme fiscale globale et cohérente s’impose.
Ils demandent une remise à plat de la stratégie économique et sociale du gouvernement et préconisent un plan de relance de l’activité et de la croissance fondé sur un soutien au pouvoir d’achat, des investissements publics d’avenir, des aides ciblées et conditionnées aux entreprises ainsi que des plans de filières pour le redressement industriel du pays.
Monsieur le Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne
75700 Paris
Monsieur le Premier Ministre,
Vous avez indiqué récemment que la rentrée serait, hélas, difficile pour notre pays et nos compatriotes. Mauvais chiffres du chômage, croissance en berne, risque de déflation en Europe. Comme vous, nous redoutons les mois qui viennent. Comme vous, nous savons que les résultats d’aujourd’hui sont les conséquences des décisions d’hier. Politiques d’austérité, réduction des investissements publics, course au moins disant social : dans une période de croissance quasi-nulle, ces choix font mal à l’Europe, à la France et aux français.
Dès lors, nous comprenons difficilement que face à une telle situation, la réponse de votre gouvernement soit le maintien du cap actuel.
Le pacte de responsabilité à été présenté par l’exécutif comme une réponse aux problèmes économiques du pays. Fondé sur l’idée contestable selon laquelle la France ne gagnerait en compétitivité qu’en baissant massivement le « coût du travail », il prévoit un plan de diminution massive des cotisations sociales pour les entreprises, qu’elles soient ou non soumises à la concurrence internationale. Il s’accompagne en outre d’une réduction inédite de la dépense publique (50 milliards d euros) dont chacun mesure le risque récessif pour notre économie. Comme nombre d’élus de la majorité, comme deux des principaux syndicats français, nous contestons absolument le bien fondé de ce pacte qui ne répond pas, selon nous, à l’objectif de « redressement dans la justice » que s’était assigné le président de la République.
Il y a quelques heures, le conseil constitutionnel a invalidé la mesure d’allègements des cotisations sociales pour certains salariés. Vous aviez présenté ce volet du « pacte », certes modeste au regard des 41 milliards d’allégements d’impôts et de cotisations patronales comme une indispensable contrepartie sociale susceptible de soutenir le pouvoir d’achat des ménages les moins aisés.
La décision du conseil constitutionnel rend selon nous indispensable la suspension immédiate du pacte de responsabilité et sa remise à plat complète.
Il nous paraît déraisonnable d’engager à la hâte une nouvelle mesure fiscale partielle aux effets incertains.
Plutôt que de complexifier un peu plus un système confus et injuste, nous préconisons d’en revenir à une promesse de campagne attendue par nos électeurs et par votre majorité : une vraie réforme de l’impôt, qui passe notamment par la progressivité de la CSG et le rapprochement de celle-ci avec l’impôt sur le revenu.
Mais au-delà de cette réforme, c’est bien toute la stratégie économique et sociale du gouvernement qu’il faut aujourd’hui redéfinir.
Elle doit s’appuyer sur 3 piliers : une stratégie de relance de la croissance au service de l’emploi, la refonte de l’architecture de notre fiscalité et des prélèvements sociaux ainsi qu’une politique industrielle volontariste fondée sur des plans de filières.
En associant les forces politiques de gauche et écologistes qui ont permis la victoire de François Hollande à l’élaboration d’une politique nouvelle, nous pouvons réussir la deuxième partie du quinquennat et redresser durablement notre pays.
La France a les moyens d’engager un plan de relance de l’activité fondé sur des efforts conjoints en direction du pouvoir d’achat des couches populaires, de grands projets d’investissements publics modernisateurs et de soutien aux investissements des entreprises comme aux secteurs soumis à la concurrence mondiale.
A l’échelon européen, la France doit opposer au regrettable « pacte de stabilité » une stratégie de relance fondée sur l’investissement et la construction de convergences sociales.
Dans l’immédiat, nous devons engager un rapport de force avec la Commission en lui signifiant notre refus de respecter les critères de déficits restrictifs qu’elle nous assigne. Plutôt que de tenter d’obtenir des « délais » pour atteindre des objectifs totalement inadaptés à la situation économique du continent, notre pays doit au plus vite proposer un mémorandum présentant une réorientation majeure des politiques européennes.
Si les politiques européennes ne conduisent qu’à une déflation dévastatrice et à des reculs sociaux d’envergure, les peuples se détourneront de l’idéal européen auquel nous croyons ardemment. Il revient à la France, avec d’autres, de porter une voie nouvelle. Nous devons ce discours de vérité à nos partenaires. Nous ne pouvons laisser croire que la France serait le mauvais élève de l’UE, alors même qu’elle conteste une austérité rejetée par nombre de citoyens européens.
Une politique nouvelle, fondée sur des choix réalistes : voilà ce qui peut redonner à notre pays son dynamisme économique et son rayonnement. Voilà ce qui permettra à nouveau de fédérer une majorité politique et sociale qui souhaite le changement.
Monsieur le premier ministre, nous sommes évidemment à votre disposition pour vous présenter plus en détail nos propositions.
Nous vous prions de croire à notre plus haute considération.
Marie-Noëlle Lienemann, Emmanuel Maurel, Jérôme Guedj pour Maintenant la Gauche