Retrouvez le discours d’Emmanuel Maurel lors du débat général au Conseil national du Parti socialiste samedi 14 juin à la Maison de la Chimie :
Chers amis, chers camarades,
Je veux tout d’abord remercier les militantes et les militants, les élus locaux, les parlementaires qui ont accompagné les candidats aux élections européennes et n’ont pas ménagé leur peine durant la campagne. Dans un contexte extrêmement difficile, ils ont contribué à l’élection d’une poignée d’entre nous, et ils peuvent compter sur nous pour porter haut et fort les propositions du Parti Socialiste français au Parlement européen. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues, mais je sais que notre ligne de conduite sera la fidélité absolue à la ligne de notre campagne européenne : refus de l’austérité, politique de croissance, la priorité donnée à la jeunesse, l’harmonisation sociale, la démocratisation des institutions. C’est notre feuille de route.
Je reviens un instant sur le résultat des deux élections qui viennent de se dérouler.
EM-CN1406A ceux qui auraient la tentation de minimiser le résultat (j’ai même entendu certains dire que ce résultat comptait pour du beurre), je rappelle que nous réalisons notre pire score depuis la création du parti d’Epinay, dont nous célébrions hier l’anniversaire.
Nous traversons une crise démocratique, qui voit les citoyens se détourner de responsables politiques qui semblent ne plus avoir de prises sur les choses, qui semblent résignés à ne changer les choses qu’à la marge faute de vouloir s’attaquer à l’essentiel.
Il s’agit aussi d’une crise politique où trop souvent, et c’est particulièrement vrai au niveau européen, les électeurs ont l’impression que ce qu’on leur propose c’est une sorte de vaine alternance entre centre gauche et centre droit qui, en matière économique et sociale, semblent s’accorder sur l’essentiel.
C’est une crise électorale enfin, et la géographie comme la sociologie du FN qui fixe de plus en plus les voix des ouvriers et même celles des jeunes doit nous poser particulièrement question à nous socialistes. Mais nous sommes évidemment aussi confrontés à une sanction nationale. C’est une sanction à l’encontre du chef de l’Etat, à l’encontre de la politique gouvernementale, à l’encontre du parti.
Ce n’est pas qu’une question de méthodologie, de pédagogie.
Et ce n’est pas seulement une question de résultats. Notre base sociale ne se reconnaît pas forcément dans le cap qui est désormais celui de l’exécutif, très différent de celui fixé pendant la campagne présidentielle. Elle ne se reconnait pas dans une politique déséquilibrée, fondée sur des postulats contestables, et qui de surcroît ne produit pas les résultats escomptés.
Alors bien sûr nul n’ignore les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, le bilan calamiteux que nous a laissé la droite, la gravité de la crise. Mais nous n’avons pas découvert cette situation en janvier 2014. Nous le savions, et fort de ce diagnostic, nous avions proposé un autre chemin, celui du redressement dans la justice, celui de la réorientation de la construction européenne.
Dès lors, c’est avec stupeur que nous constatons que la seule réponse qu’on nous propose c’est « dorénavant c’est comme avant ». « Nous avons compris le message des électeurs, et c’est la raison pour laquelle nous allons continuer la même politique ! » Rien ne change, on va juste accélérer. Accélérer au point même de donner parfois l’impression d’improviser, comme c’est le cas pour la
réforme territoriale. L’improvisation qui nous amène aussi à proposer des mesures que nous avions jadis fermement condamnées, et qui ne sont réclamées que par la frange la plus radicale des syndicats patronaux, je pense à la suppression des seuils sociaux.
On ne peut dès lors s’empêcher d’éprouver une tenace impression de fuite en avant. Je veux bien qu’il y ait une sorte de ruse de la raison, un plan d’une intelligence supérieure qui nous échapperait, dans le cadre duquel il faudrait faire aveuglément confiance aux choix forcément éclairés de nos dirigeants infaillibles mais en réalité nous n’avons jamais fonctionné ainsi.
Dans ces conditions, il faut arrêter de parler de « gestes », de « signaux » ou de « marqueurs ». Nous sommes preneurs de toute inflexion, mais nous plaidons pour une véritable réorientation de notre politique, pour un changement de cap. Les militants n’attendent pas un « geste » mais la justice sociale !
Nous contestons la logique du pacte de responsabilité, fondée sur l’idée, fausse selon nous, selon laquelle notre compétitivité est grevée par le coût du travail. Nous contestons plus encore l’idée selon laquelle il faudrait couper dans les dépenses publiques pour financer ces baisses massives de cotisations, ce qui peut clairement entraîner un effet récessif dans un contexte de croissance atone. Cette politique aura par ailleurs on le sait des conséquences particulièrement néfastes pour les collectivités locales qui réalisent aujourd’hui 75% de l’investissement public. Elle aura des conséquences néfastes également pour notre système de protection sociale alors qu’il faudrait le protéger comme un élément majeur du modèle français.
Vous connaissez nos propositions alternatives, elles sont sur la table : réorientation européenne, relance du pouvoir d’achat, réforme fiscale, relance des investissements.
J’anticipe les remarques des camarades qui me succéderont. Il faudrait faire bloc, certains invoqueront la cohésion, la discipline de parti, la solidarité. En effet, nous sommes tous dans le même bateau. Evidemment nous sommes tous obsédés par le redressement de la France et par la réussite du quinquennat.
On nous exhorte à la solidarité avec le gouvernement mais il ne saurait y avoir de solidarité à sens unique. On nous demande dans la majorité d’être solidaire de l’exécutif, soit mais encore faudrait-il que l’exécutif soit également solidaire de sa majorité et de sa base sociale.
Il est désormais temps de construire ensemble une deuxième étape du quinquennat, ce qui suppose d’associer l’ensemble des forces qui ont permis la victoire face à la droite en 2012. Associer tout le monde, écouter tout le monde, ça n’est pas forcément un réflexe évident dans la Vème République. Il faut pourtant s’y exercer.
De fait, le PS a toujours eu une lecture très critique de la Vème République, dénonçant le risque de la personnalisation du pouvoir, la marginalisation progressive du Parlement, l’insuffisance de la démocratie participative. Contrairement à la droite, la gauche ne croit pas au culte du chef et ne considère pas que tout doive procéder d’un seul homme, fut-il exceptionnel. Ces critiques, nous les avons oubliées et le président s’est lové dans les institutions comme ses prédécesseurs. Le désarroi actuel vient aussi de cela. Il est urgent de se désintoxiquer de la Vème République !
Il n’y a pas que l’exécutif et quelques conseillers qui font la politique de la France. Il y a les parlementaires, la gauche, le parti dans sa diversité, les militants, les sympathisants, les syndicats, dont certains ont appelé à voter François Hollande, les élus locaux qui remontent du terrain les préoccupations de leurs électeurs.
Alors oui, le sursaut est possible ! Parce que notre parti ne manque pas de militants aguerris, sincères, volontaires, parce que nous avons un formidable réseau d’élus locaux ! Et surtout parce que nous avons un grand pays, des services publics de qualité, un système social exceptionnel, nous sommes un grand peuple, capable du meilleur !