Publié sur le site du journal le Monde. Depuis juillet 2013, des négociations se sont ouvertes entre l’Union européenne et les Etats-Unis sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, plus connu sous les sigles TAFTA ou TTIP.
Cette perspective soulève de nombreuses et légitimes interrogations chez les Français. Pour leur permettre de faire un choix éclairé le 25 mai prochain, chaque formation politique doit faire connaître sa position. La nôtre repose sur une analyse exigeante qui ne saurait se contenter d’une posture facile et électoraliste, consistant à se réfugier dans le rejet pur et simple d’un accord commercial… qui n’est en rien finalisé.
Notre vision de la mondialisation, c’est le juste échange. Celui où la protection sociale, nos préférences collectives dans la santé ou l’environnement sont défendus et non bradés au profit du « tout marché » et du libre échange.
Notre position sur cet accord est claire et ferme : avec pragmatisme nous devons évaluer les potentialités d’un accord géostratégique mais, avec vigilance nous devons également mesurer les risques qu’il pourrait faire courir à l’Europe et ses citoyens. Parce que nous sommes des Européens convaincus, nous savons que c’est à l’échelle de l’Union que nous devons dialoguer avec les Etats-Unis alors que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est en panne.
Nous n’en sommes qu’au tout début des discussions. Notre exigence est que toute la transparence soit faite sur les négociations. Notre candidat à la présidence de la Commission européenne, Martin Schulz, est le seul à avoir pris l’engagement, s’il est élu, de demander la publication complète du contenu des échanges entre les deux parties et de former un groupe de travail rassemblant société civile, experts et syndicats.
Cette longue période qui s’ouvre nous permettra d’organiser un débat de fond, démocratique, public et transparent avec les acteurs de la société civile et les partenaires sociaux.
A l’heure de la compétition entre Etats-continents, nous devons examiner lucidement les perspectives de débouchés porteurs d’activité et d’emplois pour nos économies. A l’heure des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), nous devons jouer notre carte dans la définition des normes et standards mondiaux de biens et services. L’Europe a vocation à peser de tout son poids pour réguler la mondialisation et faire valoir ses intérêts.
N’est-il pas temps de nous battre pour que les Etats-Unis appliquent enfin les normes de l’Organisation Internationale du Travail ? N’est-il pas temps d’imposer aux Etats-Unis une réelle réciprocité ? Les marchés publics européens sont ouverts à 85% aux entreprises étrangères, ceux des Etats-Unis ne le sont qu’à 35%. Le juste échange que nous défendons vise à assurer un rééquilibrage des échanges pour que l’Union européenne ne soit pas « l’idiot utile » de la mondialisation.
A l’initiative des socialistes français, les services audiovisuels, la Culture ainsi que la Défense ont déjà été exclus du champ de la négociation. Nous demandons le respect d’un haut niveau de protection de l’environnement et des normes sociales en vigueur dans l’Union européenne. Nous exigeons de la Commission européenne qu’elle respecte scrupuleusement le mandat qui lui a été confié. Il ne pourra être question de bœufs aux hormones, de poulets javellisés, ou de remise en cause du principe de précaution sur les OGM ou le gaz de schiste. Pour les socialistes français et européens, l’accord conclu au terme de ces négociations devra respecter nos choix de société, nos modes de vie et notre modèle social.
Nous serons intransigeants sur nos normes sociales, environnementales et sanitaires européennes, comme nous l’avons été, pour les droits et libertés des Européens en rejetant l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). Cet accord devra être avantageux pour les deux parties et pour l’ensemble des citoyens européens, ou il ne verra jamais le jour !
C’est pourquoi nous avons formulé les exigences suivantes qui conditionneront notre vote :
-la non-introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats qui permettrait à une entreprise étrangère de contourner les juridictions nationales pour attaquer un pays devant une Cour internationale d’arbitrage si elle estime qu’une loi a lésé ses intérêts. Les multinationales ne doivent pas obtenir plus de garanties que les politiques publiques !
-la non remise en cause de nos choix de société en matière d’éthique, de droit du travail, de santé et de sécurité alimentaire qui constituent nos « préférences collectives » et fondent le modèle social européen ;
-la protection des données personnelles ;
-la préservation des indications géographiques comme les appellations d’origine contrôlée (AOC) ;
-la protection de la propriété industrielle et intellectuelle ;
– la préservation de la qualité des services publics.
Nous défendrons cette position en exerçant notre devoir de vigilance et notre pouvoir d’influence tout au long des négociations.
Nous continuerons à faire entendre notre voix grâce à un triple verrou démocratique : les chefs d’Etat et de gouvernement, les parlements nationaux des 28 Etats-membres et le Parlement européen devront chacun se prononcer pour ou contre ce Traité à la fin du processus.
Candidats à l’élection européenne du 25 mai prochain, nous prenons un engagement clair et ferme : si l’une de nos exigences n’était pas respectée, nous, socialistes français, prendrons nos responsabilités et rejetterons cet accord.
Signataires : Pervenche Berès, Guillaume Balas, Vincent Peillon, Sylvie Guillaume, Edouard Martin, Catherine Trautmann, Isabelle Thomas, Emmanuel Maurel, Jean-Paul Denanot, Karine Gloanec-Maurin, Virginie Rozière, Eric Andrieu, Gilles Pargneaux, Claude Roiron, Philippe Le Constant, Marie-Claude Tjibaou.
Par Collectif de candidats socialistes aux élections européennes
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