La formation professionnelle initiale et continue est un levier stratégique pour le développement de notre nation. Elle contribue à la promotion sociale de nos concitoyens, à leur épanouissement personnel et professionnel. Elle favorise la réussite de nos entreprises et garantit davantage de sécurité pour les salariés mais aussi pour les demandeurs d’emploi. Dans cette optique, la future loi sur la formation professionnelle offre une opportunité historique de faire plus et mieux.
Le gouvernement a fixé le cadre des discussions en favorisant la concertation de l’ensemble des acteurs, et cette démarche, qui tranche avec celle de la droite au pouvoir, va clairement dans le bon sens. Parmi les axes forts proposés par le document d’orientation du ministre du travail à l’attention des partenaires sociaux et des régions, trois d’entre eux me paraissent incontournables.
D’abord, le gouvernement propose un nouveau service public d’orientation. Celui-ci a vocation à devenir un service universel d’information, de conseil et d’accompagnement sur les métiers et les formations. Dans cette perspective, le modèle de la « Cité des métiers » doit être privilégié. Espace de services associant des acteurs de l’emploi, de l’orientation et de l’insertion professionnelle, il a pour avantage d’allier proximité et polyvalence. En son sein il est possible de structurer l’offre et de mutualiser les ressources en faisant travailler de concert les opérateurs et les réseaux, quel que soit le secteur d’activité concerné. C’est davantage de lisibilité pour les usagers, grâce à une coordination efficace sous une même enseigne, celle du service public.
Après le droit à la formation différée pour les élèves décrocheurs instaurée par la loi pour la refondation de l’école de la République, le « compte personnel de formation » doit permettre d’avancer sur le volet formation d’une sécurité sociale professionnelle à construire.
Ce compte, que je propose de nommer « carte vitale formation », pour bien comprendre de quoi on parle, doit se traduire par la simplification, l’accessibilité, l’exercice et la portabilité des droits à la formation tout au long de la vie, quel que soit le statut du travailleur. Véritable passeport permettant des droits renforcés notamment durant les périodes de rupture de parcours (décrochage scolaire et professionnel notamment), cette carte vitale formation doit offrir : 1) le moyen de valoriser son expérience professionnelle et sa formation 2) une meilleure connaissance de ses droits selon son statut et sa situation 3) un accès simplifié à la formation avec un éventail de prestations permettant de se positionner, de faire reconnaître son expérience, et de se qualifier. C’est sur cette base que son financement doit être aujourd’hui discuté. Là encore, le gouvernement doit être ambitieux et donner les moyens nécessaires à la concrétisation de ces nouveaux droits.
Enfin, la réforme progressiste de la Taxe d’apprentissage dont les régions n’ont pas la maîtrise actuellement, doit leur donner des marges de manœuvre nouvelles afin de piloter la redistribution des fonds libres récoltés à destination des C.F.A. Seules les régions ont aujourd’hui une vision complète des situations financières et des besoins de l’ensemble des CFA. Le circuit de la collecte de la taxe d’apprentissage doit ainsi être simplifié et rationnalisé, et la redistribution du produit de cette taxe doit se faire selon des critères nouveaux avec des publics jugés prioritaires par les acteurs de l’apprentissage, conformément aux objectifs assignés par les pouvoirs publics pour la montée en qualification des générations à venir. Cette réforme essentielle doit permettre de gagner en équité, par une meilleure affectation des ressources en fonction des besoins, et aussi en efficacité, afin de répondre aux enjeux économiques du pays dans le cadre d’un dialogue constructif entre l’Etat, les régions, et les partenaires sociaux.
S’il importe de réformer le circuit de financement, cela ne suffira pas. Une augmentation du volume de taxe disponible pour l’apprentissage est indispensable. Pour atteindre cet objectif, il peut être décidé de renforcer encore davantage la part de la taxe consacrée à l’apprentissage. Mais d’autres choix sont possibles : assujettir davantage d’employeurs à la taxe et renforcer le taux de prélèvement de ceux qui sont déjà assujettis.
Dans la même veine, l’annonce du gouvernement le 18 juillet de la suppression de la prime aux employeurs d’apprentis a été ressentie par les régions et les entreprises comme un signal négatif et contradictoire avec les objectifs ambitieux assignés par le président de la république concernant l’augmentation du nombre d’apprentis. Si je note avec satisfaction l’aide consentie aux TPE, il n’en demeure pas moins que la suppression de la prime pour les employeurs des PME aura un effet nocif pour les budgets de nombre de Régions, compte tenu de leurs engagements antérieurs et de la perte non compensée par l’Etat tant que le volume de la taxe n’est pas augmenté.
On voit bien, dans ce contexte, combien l’ambition et le contenu de la future loi sont confrontés à la rigueur budgétaire et au risque d’un désengagement des financeurs. Parce que la formation est un investissement d’avenir, le sérieux budgétaire, c’est ne pas rogner sur les crédits consacrés à ce domaine. Seule une intervention publique forte, à l instar du PIA récemment annoncé par le gouvernement, nous permettra d atteindre nos objectifs.
Emmanuel MAUREL
Vice-président chargé de la formation professionnelle,
de l’apprentissage, de l’alternance et de l’emploi
Région Île-de-France