Il est toujours plaisant de voir des personnalités parmi les plus éminentes intéressées par les débats internes au Parti socialiste. Cela prouve que notre parti enrichit le débat démocratique grâce à la controverse et l’expression fraternelle des divergences, mais plus encore, qu’il est, grâce à la vitalité, au sérieux et à l’esprit de responsabilité de ses différents courants et de ses dirigeants, le lieu où s’élaborent les compromis politiques susceptibles de redresser la France dans la justice et faire réussir François Hollande et son gouvernement. Peut-on en dire autant du Modem dont le dirigeant a sonné « l’alerte rouge » dans Le Monde daté du 15 avril ? Il est permis d’en douter.
Ce doute sur la capacité d’entraînement démocratique du mouvement de François Bayrou ne tient pas seulement à sa perte de substance électorale continue depuis 2007. Il est fondé sur l’expérience : dans une crise aussi aigüe que celle que nous traversons, les réponses « centristes », » modérées », ménageant la chèvre et le chou, s’efforçant de « prendre le meilleur dans chaque camp » et autres « remarques de bon sens », sont totalement disqualifiées.
Comment s’imaginer qu’un parti centriste, si bien intentionné soit-il, puisse apporter des solutions efficaces à des contradictions qui s’exacerbent et des tensions qui menacent de faire sauter toutes les digues ? Le centrisme n’est en politique qu’une variante du pilote automatique en ligne droite par beau temps : lorsque survient l’orage et que tout dysfonctionne, alors il ne faut plus s’y fier.
Il faut d’autant moins s’y fier qu’en réalité, par beau temps et plus encore dans la tempête, le centrisme, c’est la droite. Le centre a toujours été de droite et le restera toujours, du moins tant que le suffrage sera en France à deux tours. C’est tellement vrai que les électeurs de François Bayrou du 1er tour ont voté à 60 % pour Nicolas Sarkozy au 2e, pas loin des pourcentages obtenus par le président sortant auprès des personnes âgées ou des artisans et commerçants, catégories les plus marquées à droite de la sociologie électorale.
LE RÉFORMISME DE BAYROU ET LES CONTRE-RÉFORMES DE SARKOZY
François Bayrou a beau jeu de dissimuler la vraie nature de son programme politique derrière des mots qui sonnent agréablement aux oreilles des socialistes, en proclamant par exemple son « réformisme ». Il n’en demeure pas moins qu’il n’y a strictement aucune différence entre le « réformisme » de François Bayrou et les… contre-réformes de Nicolas Sarkozy et François Fillon. Pour lui comme pour la droite (décomplexée), « réformer », c’est poursuivre « l’ajustement structurel économique et financier », quel qu’en soit le coût social. Ce credo, il le reconnaît implicitement par son emploi systématique du même argumentaire que la droite : la France vit au-dessus de ses moyens, dépense pour son modèle social beaucoup trop par rapport à ses voisins, ses services publics inefficaces sont rongés par la gabegie et le corporatisme, etc.
Mais le réformisme, s’il est une condition nécessaire au progrès économique et social dans une démocratie comme la nôtre, n’est en aucun cas suffisant pour adhérer sous les vivats au club des progressistes et encore moins celui des socialistes ! Car même si des personnalités comme celle de François Bayrou se verraient bien sur le même banc que certains sociaux-libéraux désorientés, il y a encore pas mal d’années-lumières à parcourir aux centristes avant de correspondre politiquement et philosophiquement (on peine à entendre le centre sur la question du mariage pour tous, par exemple) à l’idée que l’immense majorité des militants socialistes se font de leur engagement.
Dès lors, il n’est guère étonnant que le centre voit rouge après avoir entendu le Parti socialiste critiquer la politique d’austérité et rappelé la nécessité de la confrontation idéologique avec la droite européenne. Il s’agit de sa part d’une vieille ficelle consistant à s’offusquer que le PS soit… de gauche, tout simplement.
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