Pour un sursaut économique et social

La crise démocratique est aussi une crise de confiance dans le politique. Nos concitoyens doutent, au mieux, de notre capacité à changer le cours des choses, au pire, ils ne croient pas à notre volonté de maîtriser un monde où l’argent est la mesure de toute chose. Quand les dirigeants semblent redouter la pression des marchés financiers plutôt que la colère des peuples, comment leur donner tort ?

Emmanuel-Maurell_le-leader-de-l-aile-gauche-du-psIl y a près d’un an, nous avions promis le changement. Il y a eu, nul ne le conteste, une franche rupture avec la politique néfaste de Sarkozy. Nous avons mis en œuvre de salutaires réformes, et le parti socialiste peut et doit se mobiliser pour les promouvoir. Rythmes scolaires, plan logement, emplois d’avenir, nous pouvons peut être faire davantage encore pour en démontrer le bien fondé.

Je pense aux emplois d’avenir, et je propose que le premier secrétaire réunisse les associations d’élus pour une grande journée de mobilisation qui nous permettra d’accélérer la signature de contrats qui reste aujourd’hui insatisfaisante.

Il ya des succès, il ya des avancées, il y a des bons outils, mais il y a aussi des interrogations, des inquiétudes, des impatiences, qui s’expriment au sein de notre électorat, au sein de la gauche et, quoi qu’en dise, au sein du Parti. Ces interrogations, elles portent sur le cap économique et social tenu par le gouvernement.

C’est un débat légitime, c’est un débat nécessaire, c’est un débat indispensable. L’occulter aujourd’hui, ne pas l’anticiper, c’est se condamner à le subir demain, dans les plus mauvaises conditions.

Nous n’avons pas à trier les bons et les mauvais débats, les discussions dans lesquelles on accepte des dirigeants qu’ils aient des doutes et qu’ils en fassent part, et les autres ou ils devraient se taire. Je respecte ceux qui, sur le cumul des mandats, sur la décentralisation, sur la réforme des rythmes scolaires, posent des questions, et cela publiquement. Pas de raison qu’on dénie à d’autres le droit de s’interroger sur le pacte de compétitivité ou l’ANI, qui ne figuraient pas dans notre programme, et qui soulève de légitimes inquiétudes ou même de franches oppositions.
Chers camarades, nous avons la même conviction, exprimée récemment par le président de la République : la réussite du gouvernement passe par la résorption du chômage et le retour de la croissance.

Le débat entre nous porte sur les moyens d’y parvenir. Nous avons promis le redressement, mais nous avons aussi promis la justice. L’un et l’autre vont de pair.
Pas de hiérarchie. Le redressement permet la justice, mais seule la justice rend possible le redressement.
Pas non plus de priorité chronologique. Nous ne pouvons pas dire : le redressement maintenant, les efforts maintenant, la justice sociale c’est pour demain, la redistribution c’est pour demain.
Cette idée que l’efficacité économique est rendue possible par la qualité de notre modèle social, la redistribution des richesses est au cœur de notre identité social démocrate.

Il est de bon ton de se revendiquer de la social démocratie. Cela ne me gêne aucunement.

Mais soyons précis : la social démocratie, ce n’est pas rechercher un consensus a priori, c’est arracher un compromis à l’issue d’un rapport de forces, d’une lutte entre les représentants du capital qui défendent leurs intérêts et nous qui défendons ceux des salariés. Un social démocrate mène le combat au nom des siens, de la base sociale qu’il prétend représenter. Et s’il est prêt à accepter un compromis, il prend soin de vérifier que le monde du travail, même en période de crise, même face à un patronat très agressif, bénéficie de substantielles contreparties.

Dans le cas du pacte de compétitivité, dans le cas de l’ANI, nous estimons que les salariés ne sortent pas renforcés, loin s’en faut.
Ce débat n’est pas nouveau. Il l’est d’autant moins qu’il porte sur des mesures qui ne figuraient pas dans le programme du parti, pas plus que dans le programme présidentiel.

Les choses avancent. Je note de salutaires évolutions. Le sacro saint dogme des 3% est remis en question par des camarades éminents. L’austérité au niveau européen est désormais unanimement condamnée. L’aspiration à une autre politique au niveau de l’Union est partagée par tous. Cette évolution est riche de promesses.

Je voudrais cependant attirer l’attention des camarades sur deux écueils dans le discours dominant aujourd’hui au parti.

Le premier, c’est celui qui consiste à établir des distinctions spécieuses entre austérité et rigueur, entre rigueur et sérieux. Couper massivement dans les dépenses publiques, baisser massivement les dotations aux collectivités locales qui réalisent l’essentiel de l’investissement public, envisager de le faire pour les dépenses sociales (car c’est bien de cela qu’on parle quand on évoque la désindexation des retraites ou les accords maintien de l’emploi contenus dans l’ANI), appelez ça comme vous voudrez,  rigueur ou sérieux, c’est rigoureusement la même chose ! Et c’est sérieusement risqué quand on regarde autour de nous et que l’on constate que la plupart des pays qui ont pratiqué la rigueur ont vu leurs déficits augmenter !

Le deuxième écueil, c’est de tomber dans la facilité consistant à condamner l’austérité en Europe pour mieux éviter de s’interroger sur la politique menée en France. Chers camarades, l’austérité, elle était contenue dans le traité Merkozy que nous avons décidé de ratifier après l’avoir si durement condamné. L’austérité, elle est la baisse du budget communautaire, que nous avons accepté au conseil, approuvé à Paris puis rejeté au parlement, deux semaines après.

Oui, chers Camarades, nous devons être sérieux :

Etre sérieux, c’est reconnaître que la politique d’austérité imposée à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie, maintenant à Chypre, n’a pas fait reculer la dette ni le déficit de ces pays

Etre sérieux, c’est constater en revanche que dans ces mêmes pays le pouvoir d’achat à plongé, l’économie chuté, et le chômage monté en flèche

Etre sérieux, c’est voir que toutes les prévisions de croissance de la Commission européenne, et même nos propres prévisions de croissance, ne se sont pas réalisées

Etre sérieux, c’est savoir que l’année 2013 va voir dans notre pays une croissance nulle, et une récession chez de nombreux autres pays européens

Etre sérieux, c’est observer pour la première fois en France depuis bien longtemps une baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, et une baisse de l’investissement de nos entreprises

Etre sérieux, c’est constater que le choc de compétitivité va peser de façon certaine sur nos finances publiques déjà bien fragiles, pour un gain de croissance hasardeux

Etre sérieux, c’est comprendre que dans un pays qui, comme le notre, exporte essentiellement vers l’Europe, une réduction des charges des entreprises ne va pas automatiquement créer des parts de marché supplémentaires, puisque nos partenaires, nos clients, qui achètent nos produits, sont également en récession !

Etre sérieux, c’est comprendre aussi que pour exporter dans le reste du monde, hors de l’Europe, là où il reste de la croissance, il faut être à la pointe de l’innovation, et que pour y parvenir il faut investir, et qu’on ne verra les résultats économiques de ces investissements qu’avec plusieurs années de retard
Etre sérieux, c’est donc voir qu’en attendant, pour réduire le chômage, pour maintenir nos finances publiques, il est impératif que la consommation ne chute pas, et que la protection du pouvoir d’achat de nos concitoyens doit être notre priorité absolue

Etre sérieux, c’est dire la vérité sur la situation économique de l’Europe, et assumer notre niveau de déficit car si nous devions le baisser encore trop vite nous contribuerions encore davantage à l’accélération de la récession en Europe

Aujourd’hui, c’est le sérieux et le réalisme qui impose « un tournant de la relance ».

C’est ce que nous proposons depuis le mois de février : relance par la consommation, relance par l’investissement, relance par une vraie réforme fiscale. Nous demandons que nos propositions puissent faire l’objet d’un débat sérieux.

La relance par la consommation, c’est-à-dire l’augmentation des salaires, des minimas sociaux, de l’indemnisation du chômage. Oui, l’augmentation du pouvoir d’achat pour stopper la spirale infernale de la récession. La hausse des salaires, ce n’est quand même pas du bolchévisme ! Barack Obama vient de proposer une hausse du salaire minimum de 25%, le Japon le fait, la Chine le fait. L’Europe fait exactement l’inverse et elle est le grand malade de l’économie mondiale
La relance par l’investissement public. La BPI est un bel outil, peut être un peu sous doté. Mais nous devons mettre le paquet sur les investissements d’avenir, transports, transition énergétique, infrastructures. Et je fais mienne la proposition de Stéphane Le Foll, qui propose justement de sortir du calcul des 3% les efforts d’investissement.

La relance par la réforme fiscale. Contrairement à ce qui a été avancé, elle est loin d’être achevée. La grande réforme de l’impôt sur le revenu, la suppression des niches fiscales, la poursuite de l’effort de rééquilibrage entre fiscalité du travail et du capital.
Je connais les arguments en faveur de la rigueur budgétaire.

On nous dit ” c est une question de souveraineté”. Chers camarades, l’argument se retourne aisément. Notre souveraineté, nous la avons déjà perdu si nous vivons tétanisés dans l attente du verdict des agences de notation ou dans la peur d’être sanctionné par les marchés.  Non seulement les marchés sont insatiables, mais en plus ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Un jour, ils s’alarment de la remise en cause de l’objectif de réduction des déficits ; le lendemain, ils s’inquiètent de mauvais chiffres de la croissance qui compromettent le niveau des profits des entreprises et les recettes fiscales des Etat. Un jour ils sanctionnent durement les pays du Sud pour leur supposé laxisme budgétaire, un autre ils condamnent les politiques à marche forcée des réductions des déficits qui aggravent la récession.
François Hollande a dit très justement, pendant toute la campagne, que la démocratie était plus forte que les marchés. Nous avons l’occasion de le prouver aujourd’hui.

Nous n’avons pas à attendre une hypothétique relance européenne, à espérer une victoire du SPD en Allemagne. Nous avons suffisamment confiance dans notre pays, dans ses salariés, pour savoir que l’impulsion peut venir de la France.

Oui, cette impulsion doit venir de la France. Elle a encore une autonomie suffisante en Europe pour  prendre les devants. Le coût de sa dette, qui n’a jamais été aussi bas (moins de 2% par an), le fait que les Français ait un des taux d’épargne les plus élevés de l’OCDE, créent des marges de manœuvre qu’il serait coupable de ne pas exploiter.

Cette impulsion doit venir de la France, elle doit venir de la gauche. Oui, de la gauche, de toute la gauche, même si celle-ci aujourd’hui minée par le poison de la division. Une division absolument mortifère, tant nous avons en face de nous une droite revancharde, prête à tout, en voie de radicalisation express et une extrême droite puissante, en constante progression comme en a témoigné le score effrayant de la législative partielle dans l’Oise (que nous aurions tort de sous estimer)

Nul président, nul gouvernement ne peut réussir sans le soutien des forces politiques et de la base sociale qui a fait son élection. Sans le rassemblement des forces de gauche et écologistes, sans la compréhension et l’adhésion du monde du travail, le sursaut n’est pas possible.
Nous plaidons depuis de nombreux mois pour la constitution d’un comité de liaison des forces de gauche. C’est avec elles qu’il faut aujourd’hui engager des discussions pour parvenir à l’élaboration d’un nouveau pacte législatif, un pacte de gouvernement. Un gouvernement rouge rose vert pour une nouvelle étape du quinquennat, telle est, selon nous, la condition du sursaut démocratique et social !

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