L’exécutif a présenté mercredi son projet de réforme bancaire en Conseil des ministres. Cette traduction législative d’une des idées phares de la campagne de François Hollande laisse un goût d’inachevé à Emmanuel Maurel, figure de l’aile gauche du Parti socialiste.
Pierre Moscovici a présenté ce mercredi la réforme bancaire en Conseil des ministres, réforme que certains ont qualifiée d’”édulcorée”. Partagez-vous ce sentiment?
Indéniablement, c’est une réforme qui va dans le bon sens. Toutefois elle n’est pas radicale et je ne pense pas qu’elle tienne compte de toutes les leçons de la crise. Le projet cantonne certaines activités bancaires dans des filiales externes mais ne traite pas de la question essentielle, à savoir, la séparation des activités de crédit et des opérations spéculatives. Le projet prévoit d’isoler les activités “dont on considère qu’elles ne sont pas utiles à l’économie”, c’est beaucoup plus flou que ce que François Hollande avait annoncé au Bourget pendant sa campagne. Les banques vont bien évidemment nous expliquer que “toutes les activités sont utiles à l’économie”. J’espère que les parlementaires se saisiront de cette question lors du débat prévu en février à ce sujet.
Un autre thème revient souvent au PS: c’est la lutte contre les paradis fiscaux. Pour l’instant, rien de concret n’a été précisé à ce sujet, mais j’ai bon espoir qu’un amendement en ce sens soit déposé par les parlementaires. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une réforme historique, nous sommes encore loin du Glass-Steagall Actaméricain de 1933!
Ce projet de réforme bancaire a été évoqué mardi en bureau national du Parti socialiste. Quel était le ton du débat?
Nous avons été un certain nombre à émettre des réserves sur ce projet. Beaucoup ont clairement posé la question des paradis fiscaux et surtout de la suffisance du fait de s’interroger sur la seule “utilité” des activités bancaires. Cela permettra-t-il vraiment d’éviter les crises et les faillites des dernières années? Il y a d’ailleurs le même débat chez les banquiers qui disent que ce texte n’évitera pas une faillite, loin s’en faut. Mais le lobby des banques est très puissant et le directeur général du Trésor qui a été nommé sous Sarkozy ne doit pas être un fanatique du changement.
Pensez-vous que l’on puisse aller plus loin dans cette réforme? Si oui, comment?
Je pense qu’il faut vraiment isoler les activités de crédit et les opérations spéculatives. La filiale ne suffit pas. Et même si le gouvernement avance qu’il veut “préserver le modèle français de banque universelle”, cet argument ne vaut pas grand-chose. LaSociété générale était une banque universelle, ça ne l’a pas empêchée de frôler la faillite. Ces dix dernières années, les banques se sont comportées comme des pyromanes, elles ont joué de façon indécente avec l’argent des particuliers. J’aimerais que, dans ce débat, on rappelle que la crise vient essentiellement des banques et de leurs activités. Il faut par conséquent les mettre devant leurs responsabilités.
Selon vous, François Hollande revient-il sur ses engagements de campagne?
On constate un glissement indéniable dans le discours du président. Les formulations qu’il a utilisées pendant sa campagne laissaient à penser qu’on aurait une réforme de grande ampleur. Or elle n’est pas radicale comme on pouvait l’escompter. Mais encore une fois c’est un premier pas, j’espère qu’il y en aura d’autres.
L’interview sur le site de l’Express