Un titre, ça trompe énormément. Ceux qui pensent que « le socialisme pour les nuls » est un aimable guide vite lu vite oublié seront surpris par le sérieux et l’exhaustivité du livre écrit à quatre mains par deux auteurs familiers de ces colonnes. On sait ce qui a fait le succès incroyable de la collection des éditions First : rendre accessible des questions parfois compliquées ou très spécialisées via des ouvrages de vulgarisation un brin humoristiques. François Hollande ne démentira pas l’intérêt de ladite collection, lui qui fut surpris un exemplaire de « l’histoire de France pour les nuls » à la main. Pas de raison de se moquer : plusieurs dizaines de milliers de ses compatriotes y redécouvrirent avec intérêt le tumultueux récit national.
Le livre de Bergounioux et Lefebvre répond parfaitement au cahier des charges fixé par les éditeurs : chaque séquence chronologique (cinq en tout, de la « naissance d’une grande idée, 1789-1870 » au « défi du renouveau »-de 1995 à nos jours-) est subdivisée en chapitres clairs, agrémentés d’encarts informatifs, de mini biographies, de citations, qui éclairent un texte très pédagogique.
Des balbutiements des origines au marasme d’aujourd’hui, aucune étape de l’histoire socialiste n’est oubliée : la création de la SFIO en 1905, le grand schisme de 1920, le Front populaire de 1936, le Front républicain de 1956, la fondation du PS en 1971, la victoire de 1981, etc…
Mais les auteurs s’attachent aussi à retracer l’évolution d’une doctrine, façonnée par un siècle de débats mais surtout par la confrontation permanente avec la réalité sociale, via l’exercice du pouvoir. C’est l’un des principaux mérites de cet ouvrage : expliquer clairement et simplement comment se constitue un courant de pensée, traversé par des sensibilités diverses, parfois même antagonistes. Car l’histoire du socialisme n’est pas un long fleuve tranquille : scissions, déchirements, confrontations violentes, l’unité ne s’est pas faite en un jour et reste toujours fragile.
Enfin, le « socialisme pour les nuls » traite beaucoup…des socialistes. Les grands ancêtres (Jaurès, Blum,) les incontournables (Mitterrand, Rocard, Mauroy…), les personnages importants aujourd’hui grossièrement caricaturés (les noms de Mollet ou Guesde, jetés aujourd’hui à des contradicteurs comme une insulte ultime) sont évidemment convoqués mais Bergounioux et Lefebvre laissent une large place à une multitude de figures méconnues ou oubliées, que l’on (re) découvre avec intérêt.
Les deux derniers chapitres de l’ouvrage sont d’ailleurs uniquement consacrés aux personnalités du courant socialiste, classés par « famille » (les dix grandes figures, les dix figures du socialisme municipal, les dix dirigeants d’aujourd’hui, etc..). Une cinquantaine de biographies donc, et des choix qui surprendront…voire agaceront. Même les plus grands fans de François Rebsamen seront embarrassés en découvrant que celui-ci compte désormais parmi les « grandes personnalités socialistes », aux côtés de Savary, Poperen ou Chevènement !!
Passons là-dessus. « Le socialisme pour les nuls » est un ouvrage utile, agréable à lire, qui passionnera autant les solférinologues pointus que les simples curieux. Un livre qui séduira les amateurs d’histoire et de politique donc, mais qui peut constituer aussi le cadeau de noël idéal pour le cousin sympathisant, voire le guide de rattrapage à l’usage des ambitieux qui rêvent d’imprimer leur marque dans l’histoire séculaire du socialisme.
Le socialisme pour les nuls
Alain Bergounioux, Denis Lefebvre
Editions First