La République a un nouvel hymne officiel. Tiédasse et cucul mais terriblement tendance. Chaque ministre a reçu, pour les vacances, le CD de la « première dame » dédicacé. Les plus courtisans l’ont fièrement exhibé dans la cour de l’Elysée. Un membre du gouvernement, sans honte, a même encouragé les Français à « acheter l’album » ! Cette opération de promotion gratuite à la sortie d’un conseil des ministres a suscité peu de commentaires. Comme si le mélange des genres à la sauce Sarkozy, tout en indécence et en vulgarité, ne scandalisait plus grand monde.
Il y aurait pourtant de quoi hurler. Le problème n’est pas que le chef de l’Etat vive une intense histoire d’amour avec un ancien top model, issue d’une très ancienne (et très riche) famille italienne, accessoirement chanteuse du dimanche. Ce qui agace, c’est la mise en scène permanente de cette bluette censée redonner des couleurs à la popularité défaillante du président. Rien ne nous est épargné. Interviews de la Dame dans la plupart des journaux, articles en pagaille (les « confidences intimes » à un rythme effréné), photos exclusives (une exclusivité par semaine !), Carla Bruni, « l’atout cœur » de Sarkozy, est omniprésente. Et en profite, par la même occasion, pour vendre sa camelote.
On nous rétorquera qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Voilà bien longtemps que la vie privée des responsables publics est devenue une arme de communication. Les présidents américains ne se déplacent jamais sans leurs moitiés, et Berlusconi adore qu’on interviewe sa femme sur ses chaînes de télé. Même en France, les « premières dames » ont été utilisées par leurs époux, soit pour soigner leur image, soit pour remonter la pente (on se souvient du rôle joué par la très populaire Bernadette Chirac).
Nul ne peut disconvenir, pourtant, qu’il y a bien, avec Nicolas Sarkozy, un saut qualitatif. C’est l’avènement du baby boomer obsédé par la télé, le pognon, le succès, qui, quand il annonce qu’il va faire une « retraite » de quelques jours, se précipite sur le yacht d’un ami milliardaire. Le fait que sa nouvelle femme appartienne au « show business » (la chanteuse de variété connue, le mannequin international, autant de figures contemporaines de la société du spectacle) est de ce point de vue significatif.
L’exhibition permanente du couple présidentiel n’est pas seulement là pour faire diversion. Il en dit long sur les fondements idéologiques de la droite décomplexée.