Après la victoire de la gauche

La poussée est confirmée, et même amplifiée : les élections du 16 mars ont donné une majorité absolue à la gauche, tant aux municipales qu’aux cantonales. 58 villes de plus de 20.000 habitants gagnées sur la droite (contre 10 perdues), une dizaine de départements : la victoire est incontestable et impressionnante. Une majorité de Français habite désormais dans une commune administrée par la gauche. Pour la droite gouvernementale, ce succès est un avertissement sérieux. Même si le résultat de scrutin de dimanche est aussi lié à des contextes locaux, la dimension protestataire du vote est indéniable. C’est à la fois un style de présidence et une orientation politique qui ont été sanctionnés.

Le niveau exceptionnellement élevé de l’abstention est lié à ce phénomène de rejet : si les habitants des quartiers populaires ne se sont pas rendus massivement aux urnes, comme c’est hélas devenu une habitude (à l’exception notable des élections présidentielles de 2007), certaines villes bourgeoises ont aussi pratiqué la grève du vote à l’occasion des municipales (aux cantonales, la participation est plutôt bonne).  Sarkozy paie pour la crise du politique qu’il a lui-même contribué à entretenir depuis son accession au pouvoir.

Pour la gauche, il ne saurait y avoir d’ivresse de la victoire. Nous avons fait l’expérience amère des lendemains qui déchantent et savons qu’un vote sanction contre la droite lors d’élections intermédiaires ne se transforme pas mécaniquement en vote d’adhésion au niveau national. La séquence 2004-2007 est là pour en témoigner. Sachons en tirer les enseignements

D’abord, en évitant le piège de la confusion. Ceux qui expliquaient que l’alliance avec le centre droit était le sésame pour la victoire sont démentis par les faits. La gauche unie n’a pas besoin du MODEM pour gagner (Paris, Rouen), même dans des villes détenues depuis longtemps par la droite (Reims, Toulouse, Laval).  Au mieux, le rapprochement amplifie un peu une victoire attendue (Lille, Dijon). Dans la plupart des cas, il ne crée pas de dynamique (Marseille, Perpignan). Au pire, les listes PS-MODEM enregistrent des scores inférieurs aux listes de gauche en 2001 et permettent à l’extrême gauche ou aux Verts de réaliser des scores importants (Montpellier, Grenoble). Seuls les cas très atypiques de Brive ou d’Asnières semblent infirmer ce constat. Il faudra certes affiner l’analyse. Mais ce qui est certain, c’est que le PS aurait tort de tourner la tête à droite au moment où il serait bon de regarder à gauche (maintien du PCF,  poids important quoique localisé de l’extrême gauche).

Ensuite, ne laissons pas s’installer l’idée selon laquelle la présence majoritaire de la gauche dans la gestion des collectivités locales constitue un contrepouvoir suffisant à la politique de Fillon. Si les communes, départements et régions peuvent amortir le choc des réformes libérales, seule la conquête du pouvoir central permet de transformer la société. Le socialisme local est utile pour améliorer le quotidien des Français, mais pas suffisant pour changer la vie.

Enfin, ne croyons pas que l’addition des expériences locales suffise à élaborer un programme de gouvernement. Le débat idéologique, le travail collectif pour faire émerger des grandes orientations politiques sont plus que jamais nécessaires. En ce sens, la « rénovation » du Parti socialiste n’a pas de sens si elle se résume à un changement de statuts et à un alignement sur les institutions de la Vème république. L’enjeu aujourd’hui est stratégique (quelles alliances? quelles méthodes pour mobiliser la société ?), doctrinal (quelles valeurs? quelle vision du monde?) et programmatiques (quelles réformes? quels objectifs?). Si la discussion,  notamment au PS, se focalise sur le seul choix d’un (e) leader, alors l’échec sera de nouveau au rendez vous.

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