Difficile de s’opposer au sacro-saint principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Les Kosovars veulent être indépendants et quitter la Serbie, dont la réputation internationale est sérieusement écornée depuis la guerre de Yougoslavie et le règne de Milosevic.Les États Unis se précipitent pour reconnaître la décision unilatérale des dirigeants de Pristina. Le droit international n’a pas été franchement respecté, mais c’est pour la bonne cause, et puis on finit par s’y habituer. Prévisible, la diplomatie française a emboîté le pas aux américains. Le Parlement n’est pas consulté, mais qui s’en étonne encore ?
Certes, la Russie de Poutine proteste, le gouvernement de Belgrade vitupère. La solidarité slave, c’est vieux comme le monde. Personne ne semble imaginer sérieusement que ces mauvais coucheurs iront au-delà de la simple expression du mécontentement. La Serbie entend rejoindre le paradis de l’Union Européenne, la Russie veut faire du commerce, etc… C’est le scénario optimiste : d’ici quelques semaines, tout est oublié.
Il n’est pas interdit, pourtant, d’être plus prudents. Pour paraphraser le grand Charles, dans des Balkans compliqués, rien de pire que d’arriver avec des idées simples. Les Kosovars ont eu de gain de cause : comment justifier le refus de l’indépendance revendiquée par les serbes de Bosnie? Parce que les aspirations des serbes seraient, par nature, moins respectables que celles des albanais? Parce qu’il sera moins facile d’y installer une base militaire américaine?
Jusqu’ici tout va bien. Et demain? Faudra-t-il se pencher sur les aspirations des minorités en Abkhazie? En Ossétie ? En Gagaouasie ? En Géorgie? En Bulgarie? En Roumanie?
Voilà, finalement, les seules questions qui vaillent : quand s’arrête-t-on? Où s’arrête-t-on? Faut-il encourager à l’infini le fractionnement géographique, le séparatisme, l’indépendantisme? Et croit-on que la vieille Europe sera épargnée? Si nos amis espagnols sont aujourd’hui embarrassés, c’est qu’ils savent que les basques, voire les catalans, ne manqueront pas de s’appuyer sur le précédent kosovar pour revendiquer le passage à « l’indépendance ». Qu’en pensent les flamands? Les corses?
Pour certains dirigeants de l’Union européenne, le projet est viable : plaider pour le « dépassement » des nations tout en encourageant l’expression des « nationalités ». Autant le dire : cette option n’est pas la nôtre.