Modèles : les élites françaises n’aiment rien tant que la comparaison

Les élites françaises n’aiment rien tant que la comparaison. Les années passent, le besoin de  références étrangères, tant au niveau économique que politique, demeure. L’exemple américain, le modèle scandinave, la voie blairiste, le nouveau centre allemand, le génie danois, etc… Chacun se plaît à imaginer la France non pas telle qu’elle est, mais telle qu’elle devrait être.

Il s’agit là d’une démarche ambivalente. D’un côté, cela témoigne, contrairement à la légende, d’une certaine modestie française qui ne rechigne pas à s’inspirer, de manière pragmatique, de ce qui semble marcher ailleurs. De l’autre, cela illustre la volonté jamais découragée, chez un petit nombre de « leaders d’opinion », de se débarrasser de tout ce qui fait la singularité de notre pays, tant d’un point de vue social (rôle important de l’État dans la vie économique, importance des services publics, protection sociale de haut niveau) que politique (persistance d’un clivage droite/gauche encore net, culture de luttes).

Cette manie du modèle n’épargne ni la gauche ni la droite. Après avoir un temps lorgné vers le bushisme, les sarkozystes d’aujourd’hui se rêvent blairistes : l’ex Prime Minister promène son sourire ultra bright de colloques UMP en forums bessonistes.

A gauche, les aficionados de Lula voire de Chavez ne sont pas légion. En revanche, le SPD nouvelle mouture ne manque pas de fans. Et la gauche italienne a conquis bien des cœurs : d’abord  en choisissant de désigner son candidat au poste de président du conseil via un intéressant processus de primaires populaires (dans lesquelles les sondages d’opinion jouent un rôle prépondérant). Et, plus récemment en portant sur les fonds baptismaux un « parti démocrate » recentré et mollasse.

Les événements récents, en Allemagne comme en Italie, sont riches d’enseignements. Aux régionales de Hesse et de Basse saxe, le Linkspartei, en guerre contre la droitisation du SPD (allié à la CDU au niveau fédéral), réalise des scores encourageants. En Hesse, la candidate Andrea Ypsilanti, figure de la gauche du SPD, farouchement anti-Schröder,  a progressé de 8 points. Preuve, si il en est, que les électeurs préfèrent les positions tranchées au clair-obscur.

En Italie, le gouvernement Prodi a été renversé au Sénat. Les commentateurs pointent du doigt les conséquences du mode de scrutin ultra proportionnel qui permet à de minuscules formations d’arbitrer la vie politique transalpine. Si cette analyse est fondée, elle occulte une partie du problème : la défaite de Prodi, c’est aussi la sanction d’une politique au fil de l’eau, multipliant les concessions à la droite et au centre. Le drame, c’est évidemment que cette déroute risque de ramener Berlusconi et ses sbires au pouvoir.

Il faut se garder d’avoir une lecture univoque de ces situations. Mais on ne s’interdira pas de formuler une hypothèse : et si c’est en redevenant elle-même que la gauche avait le plus de chances de reconquérir son électorat?

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