Innovation (révision constitutionnelle)

Parce que le sujet divise la gauche, faut-il s’interdire d’en parler ? S’il s’agissait d’une question mineure, certainement oui. Mais le vote, en Congrès, d’une révision constitutionnelle permettant de ratifier un traité européen négocié à toute vitesse

, cela n’a rien de secondaire.

Il y a deux ans, les Français et les Hollandais rejetaient le TCE, à une large majorité. Désireux de revenir sur ce qu’ils estimaient être un accident de parcours, les dirigeants de l’Union ont réécrit, à la hâte, un nouveau texte, dont on a déjà dit ici qu’il se contentait de reprendre, dans le désordre, les dispositions du précédent. Les principaux promoteurs du « mini traité » n’en disconviennent d’ailleurs pas.

Nicolas Sarkozy, pressé d’en finir, soucieux d’éviter le suffrage universel sur cette question, a choisi de faire adopter le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. La constitution lui en donne en effet le droit. A une réserve près. Si la majorité des 3/5 des membres du Congrès n’est pas atteinte, le texte soumis est soit retiré, soit soumis à référendum (l’article 89 de notre loi fondamentale n’oblige pas explicitement, en cas d’échec au Congrès, le chef de l’Etat à recourir au référendum).

Quelle a été la position -pour une fois unanime- du parti socialiste, et plus largement de la gauche, sur les modalités d’adoption du traité de Lisbonne? Celle qu’inspirait le simple bon sens démocratique. Ce que le peuple a défait, seul le peuple peut le refaire ou le défaire à nouveau. Tous les dirigeants ont défendu cette position simple et claire, à commencer par la candidate du PS à l’élection présidentielle. L’engagement a été maintes fois rappelé, quelquefois avec solennité : après le « non » du 29 mai 2005, le recours au référendum s’imposait. Qu’on soit partisan du texte de Lisbonne ou de son rejet, cette solution paraissait incontestable. Et d’une lumineuse logique : il paraît en effet difficile de justifier le contournement de l’expression directe du peuple souverain, même par l’intermédiaire de ses représentants.

Que Nicolas Sarkozy tente de passer en force en privilégiant la voie parlementaire en change rien à l’affaire. D’un seul point de vue numérique, le président de la République ne dispose pas d’une majorité suffisante pour faire passer la révision.  Si tous les parlementaires de gauche décidaient d’honorer leur engagement (c’est à dire de voter « non » à la révision constitutionnelle), ils auraient les moyens politiques d’imposer une autre procédure de ratification.

Il semble cependant que cela ne sera pas le cas. Le vote de gauche sera éclaté et le traité de Lisbonne sera ratifié. Nous aurons l’occasion, ainsi, de vivre une première : l’annulation d’une décision du peuple par ceux qui sont censés le représenter. Pas sûr que cette innovation soit du goût des citoyens.

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